Un plan de travail est à la fois un support et un mode de fonctionnement pour permettre aux élèves de progresser à leur rythme mais aussi pour augmenter la motivation et l’implication des élèves. Le principe est assez simple : une fiche – ou tout autre support – liste les tâches que chaque élève devra effectuer sur une durée prédéterminée. De cette façon, il devient plus aisément possible d’individualiser ou différencier le travail de chacun
Parfois, ce plan de travail est confondu avec une feuille de route : une simple liste d’exercices ou de tâches à réaliser. C’est oublier l’importance centrale de l’autonomie de l’élève qui doit pouvoir se développer et s’exprimer par ce dispositif. Et c’est justement cette autonomie qui peut inquiéter et décourager les professeurs qui s’intéressent pourtant au plan de travail. Comment la développer ? Comment la laisser s’exprimer sans que le désordre s’installe ? Comment s’assurer que tous les élèves travaillent ? s’investissent dans leurs apprentissages ? progressent ?
Une mise en place progressive du plan de travail
Le plan de travail peut être un outil très intéressant, à condition de laisser le temps aux élèves de se l’approprier. Il en va de même pour le professeur. Avancer un pas après l’autre est une bonne façon de réussir l’introduction du plan de travail dans les habitudes de la classe. Le tout est que chaque fois que vous décidez d’aller plus loin, vous soyez déjà suffisamment sûrs de ce qui est mis en place pour pouvoir vous appuyer dessus.
Inutile, toutefois, d’attendre que tous aient atteint un degré d’autonomie frôlant la « perfection » avant de faire un pas de plus : le tout est que le groupe soit globalement « gérable », que vous arriviez à avoir assez d’élèves à l’aise pour accompagner ceux qui ont encore besoin d’étayage.
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Débuter avec une feuille de route minimale
Je pense que lorsque l’on n’ose pas se lancer, le plus facile est de débuter avec un tout petit pas, un pas qui ressemble tellement à une classe traditionnelle qu’il ne se remarque même pas. Donnez une fiche type « plan de travail » pour les habituer à naviguer sur celle-ci. Je préfère garder le même modèle toute l’année ou ne le faire évoluer qu’à la fin du processus car pour certains élèves, le moindre changement peut être très perturbant. Sur ce « faux » plan de travail, qui n’est qu’une feuille de route pour l’instant, je ne mets que deux ou trois exercices pour une ou deux matières, à réaliser sur les créneaux habituels. Il se peut même que je leur demande de faire dans l’ordre. Il s’agit de la partie « travail de classe » de mon modèle.
Qu’est-ce qui change avec l’exercice collectif réalisé au tableau tous ensemble ? Le support, tout d’abord, mais aussi l’autonomie des élèves dans leur installation. Avant de nous lancer, nous décrivons dans le détail tout ce qui est à faire pour s’installer.
A vous de voir et d’adapter à votre situation mais pour ma part, fonctionnant en ateliers (avec un petit groupe avec moi), je demande aux élèves du groupe « plan de travail » de sortir leur plan de travail, de récupérer cahiers, manuels et tétra’aides (imprimés en 3D par 3DDS) sans mon intervention. Pour rester disponible tout de même, je donne une tâche simple de révision au groupe qui est avec moi (écrire un nombre en lettres, analyser une phrase, conjuguer un verbe) ce qui me permet d’intervenir si besoin : le but étant que j’intervienne le moins possible.
Ce qui change, aussi, c’est que je ne suis pas là pour leur expliquer les consignes et je ne peux pas être disponible dans la seconde (voire la minute). Ils doivent donc aussi chercher les réponses à leurs questions par eux-mêmes : où est la consigne ? Que faut-il faire ? De quel matériel ai-je besoin ? Quels outils peuvent m’aider ? Où les trouver ? Comment présenter mon cahier ? Etc. Et mine de rien, rien que ça, il faut souvent compter une à deux semaines minimum en cycle 3 (plus encore, parfois, en cycle 2).
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Introduire l’entraide avec la feuille de route
Je reste ensuite sur quelque chose d’assez classique toujours, et j’introduis la possibilité de s’entraider. Maintenant, les élèves savent que ce plan de travail demande un véritable investissement pour être fini, qu’il demande des efforts, de la concentration, et ils ont pris leurs repères. Ils ont aussi compris les exigences en matière de comportement (silence, discrétion, etc.)
Je vais donc pouvoir introduire l’entraide. L’entraide, ce sont des élèves qui s’aident mutuellement assez librement (sans « diplôme du tuteur », par exemple). Il y a quelques règles à respecter et je conseille, pour les établir, de se fier à ce qui est proposé dans le livre « La coopération, ça s’apprend » de Sylvain Connac (aux éditions esf). Là encore, la discrétion est de rigueur (chuchoter), mais aussi le sérieux (ne pas jouer, se concentrer sur le travail), le respect, l’écoute, etc.
L’entraide ne doit pas déranger les autres. Une table à part peut être mise à disposition et désignée (une « table d’entraide ») pour les élèves qui ont peur de déranger les autres. Si deux élèves perturbent le travail, ils sont séparés et n’ont plus le droit d’être ensemble pendant la séance. Si un élève est impliqué deux fois dans la même journée, l’élève devra travailler seul le reste de la semaine (ce qui ne représente, à ce stade, que deux sessions « plan de travail » et donc reste raisonnable). Je n’en arrive presque jamais à cette extrêmité.
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Augmenter l’étendu du travail à faire sur la feuille de route
C’est une étape assez basique, qui peut éventuellement être liée à l’étape 2 ou 4 : j’augmente la quantité de travail. Il ne s’agit pas d’augmenter la quantité de travail devant être réalisée sur un même temps (encore que, il est conseiller d’ajuster selon les résultats des premiers tests), mais plutôt d’augmenter le nombre de créneaux où l’élève fonctionne en plan de travail.
Ainsi, ce qu’il a appris en termes de « savoir-être » et d’autonomie lors de ses quelques rares séances de plan de travail (deux par semaine à ce stade, pour moi), pourra être entrainé et consolidé plus efficacement. Les élèves en concevront un sentiment d’efficacité et pourront, peut-être, nourrir leur estime d’eux-mêmes grâce à ce gain d’autonomie, la confiance que vous placez en eux et leur liberté relative.
J’accorde aussi plus de liberté dans l’ordre des tâches : les élèves ne sont plus obligés de faire du français sur le créneau de français, et des mathématiques sur le créneau de mathématiques. Le tout est que le plan de travail soit terminé à la fin du temps imparti (deux semaines, pour ma part).
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Personnaliser le plan de travail
Ca y est ! Nous allons enfin nous orienter vers un véritable plan de travail. Je dirais qu’en moyenne, presque une période entière s’est écoulée (six semaines environ). C’est le moment que je choisis pour introduire la partie « travail personnalisé » du plan de travail.
Nous avons, dans notre école, un référentiel de compétences (un carnet de réussite). Il nous permet de valider les compétences acquises par les élèves de façon différenciée, nous adaptant au rythme de chacun. Ainsi, les élèves peuvent tout à fait investir le plan de travail pour valider une compétence déjà travaillée (ou non) qu’ils pensent maitriser. Sur le plan de travail, ils noteront quelle compétence ils comptent travailler et c’est à moi de ménager un moment pour leur permettre de valider à la fin. Avoir quelques manuels peut beaucoup aider pour ne pas avoir sans cesse à inventer des exercices pour chaque élève.
Au début, je leur demande de choisir une seule compétence soit en français, soit en mathématiques. Et plus tard, ils pourront en choisir deux s’ils y arrivent.
Après ce long processus, les élèves savent enfin s’entrainer et apprendre en plan de travail. S’ils ont déjà été impliqués dans ce mode de fonctionnement, le processus peut être plus rapide éventuellement. C’est encore mieux si vous gardez vos élèves plusieurs années ou si vous êtes plusieurs professeurs à fonctionner de manière similaire. La cohérence aide toujours les élèves !
Faire le bilan du plan de travail
Toutes les deux semaines, je laisse un temps aux élèves pour compléter leur fiche de plan de travail. Sur mon modèle, ils expriment leur degré de satisfaction concernant leur travail mais aussi ce qui les a gêné et ce dont ils sont fiers. J’exprime mon opinion succinctement et le bilan devra être signé par les familles. Ce dernier point me semble assez important mais, selon les années, je suis plus ou moins regardante, je dois l’avouer.
Pour ne pas perdre trop de temps sur les apprentissages, ce temps est pris en début de conseil de classe, rapidement, une semaine sur deux.
Bruit et plan de travail
Comme je l’ai dit ci-dessus, je fonctionne en ateliers. Je n’ai donc, ainsi, qu’une portion de mes élèves en plan de travail la plupart du temps (la moitié, un tiers ou un quart). Cela limite déjà l’effort de surveillance. La sanction en cas de bruit excessif ou d’élève qui dérange est assez simple : je sépare les élèves concernés et limite leur droit aux échanges.
En classe flexible, si vous autorisez les élèves à se déplacer librement et à choisir leur assise, il est aussi possible d’assigner une place à un élève qui ne respecterait pas les règles (si, par exemple, il rebondit sur un ballon pour amuser ses camarades, joue avec du matériel au lieu de travailler, etc.).
Ce sont des sanctions efficaces : elles sont reliées à « l’erreur », elles sont raisonnables, elles sont annoncées au préalable (pas d’élèves pris par surprise) et elles sont respectueuses (pas d’humiliation).
Une trame de plan de travail
Je ne fournirai pas de document modifiable mais le plan de travail ci-dessous peut être complété numériquement (c’est un formulaire).
Vous pouvez également utiliser les outils de IlovePDF pour modifier le fichier (ajouter vos exercices, par exemple) à condition de ne pas repartager en ligne le fichier modifié. Ces plans de travail modifiés sont pour votre usage professionnel, dans votre classe ou à la maison.
Plan de travail – trame à compléterEnvie d’en découvrir plus sur les plans de travail ?
Difficile de parler de plan de travail sans parler de l’un de mes acolytes dans le Podcast d z’écoles : Edouard (Un prof d z’écoles). Il pratique le plan de travail depuis quelques temps déjà et a rédigé deux articles intéressants sur la question, que vous pouvez même écouter en Podcast si vous préférez.
Article très intéressant, je fonctionne en plan de travail en ulis école et le gain d’autonomie ainsi que la confiance en soi sont des points très importants de ce système. Je cherche à adapter cette pratique à mes futurs élèves plus jeunes pour la rentrée prochaine, merci pour cette réflexion ☺️
Si tu as le livre « Apprendre avec les pédagogies coopératives » ou « La personnalisation des apprentissages« , tu as des exemples pour le cycle 1 et 2 qui pourraient aider. Remplacer les textes par des photos peut aider. Pour des jeunes élèves, je commencerais par ne pas demander de « programmer à l’avance » ce qu’ils feront (pour la partie travail personnel) mais je leur dirais de coller au fur et à mesure, façon fiche de suivi en maternelle, puis je glisserais vers une « programmation » (l’élève dit « je vais faire ça » et s’y engage).
Bonjour, vos explications et votre progression sont très claires. Les élèves font les exercices dans leur cahier ? Je m’interroge sur la correction des exercices : la faites-vous ? À quel moment ?
Bonjour.
Ils travaillent dans leur cahier du jour. Comme je fonctionne en ateliers, je n’ai qu’un groupe sur trois qui fait des exercices dans le cahier. Un autre groupe et en jeu/manipulation et un dernier est avec moi. Il y a deux possibilités :
Quoiqu’il en soit, je corrige tous les jours, je commente, je détaille.
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article. Je pratique les ateliers depuis quelque années maintenant. Je cherchais une façon pas trop chronophage d’introduire du travail individualisé dans ces ateliers, je pense avoir trouvé des éléments de réponses ici !
Merci pour tout ce que tu partages c’est très inspirant !
Merci pour ton retour. Je suis ravie que cet article puisse t’être utile.
Et encore merci !
J’ai pratique la feuille de route, en maternelle et en CE2, mais j’aimerais m’orienter de plus en plus vers de « vrais » plans de travail) en CP et CE1 l’année prochaine… Mais j’y crois ! 😁)
Le glissement peut se faire sur la durée. Après 5 semaines, je n’arrive toujours pas à faire du « vrai » plan de travail avec mes CM1. Mon objectif, c’est d’y arriver avant la fin de l’année scolaire.
Bonjour,
Merci pour cet article très inspirant !
J’aime beaucoup ce fonctionnement roulant qui me parait intuitif. Question timing, je m’interroge : les élèves étant avec toi en séance, combien de temps durent les créneaux durant lesquels sont les élèves en Plan de travail ou Ateliers Manip’ ? Merci d’avance !
Bonjour et merci. J’ai des horaires réduits mais j’essaie de maintenir 35/40 min d’atelier + 5 minutes de rangement/changement (quand j’enchaine deux sessions ateliers).
Bonjour,
Merci pour cet article très instructif. Si j’ai bien compris, les élèves peuvent valider une compétence qui qu’ils n’ont pas réussi à valider alors que vous aviez déjà travaillé dessus en atelier dirigé. C’est bien cela?
Comment procèdes tu avec des élèves qui ont validé toutes les compétences étudiées?
Merci 🙂
Aucun élève ne valide jamais toutes les compétences étudiées d’un coup. Cela dit, je travaille aussi des méthodes pour apprendre « tout seul », grâce aux vidéos ou aux mémos par exemple. Donc un élève qui aurait tout validé pourrait très bien s’avancer tout seul, sans moi. Certains le font d’ailleurs (alors qu’ils n’ont pas forcément tout validé par ailleurs). Je parle aussi de mon évaluation positive dans cet article.
Merci pour ces éclaircissements Chacha !! Prof au collège-lycée, j’ai vraiment envie de m’y mettre sans trop savoir comment m’y prendre parce-que même au lycée l’autonomie c’est pas trop ça !! Cet article + ton atelier du Ked 24 m’aident beaucoup ! Merciiii
Avec graaaand plaisir ! C’est tellement chouette que les élèves de collège profitent aussi de ce type de dispositif. N’hésite pas à poser tes questions si tu en as 🙂