Les élèves à besoins éducatifs particuliers sont souvent au cœur de nos préoccupations. De plus en plus nombreux, chaque « cas » nous interroge longuement. Le « diagnostic » précis de ses difficultés et des causes de celles-ci nous occupe souvent pendant les premiers mois de l’année scolaire, parfois plus. Ensuite, il faut réussir à trouver des solutions.
Petite note préalable : Je me suis lancée dans cet article il y a plusieurs mois déjà. Je dois avouer que je ne savais pas dans quoi je me lancer. J’ai toujours beaucoup à partager, du bon et du moins bon, mais j’ai toujours un mal fou à faire le tri et à organiser tout cela pour essayer d’être au plus efficace. Je ne suis encore aujourd’hui pas très satisfaite de mon travail. J’ai l’impression de survoler, d’en rester à des anecdotes, parfois des évidences, je doute de la pertinence de ce choix : un article général qui brasse un peu de tout. J’espère que vous arriverez à trouver au moins une idée ou une piste qui vous aidera et que vous saurez faire preuve d’indulgence pour cet exercice particulièrement difficile et périlleux dans lequel je me suis lancée.
L’article est particulièrement long et dense (je m’étais pourtant promis de faire synthétique… à croire que j’en suis incapable !). Du coup, je vous ai mis à disposition un sorte de menu pour que vous puissiez naviguer plus simplement :
Et pour compléter tout ça, on pourra finir (ou commencer) par un tour chez Dys é moi Zazoo, le blog de Zazoo et Madel, expertes dans le domaine « EBEP » (élèves à besoins éducatifs particuliers). Dans la colonne de droite, il y a même un menu par « Dys-« .
Mises en garde
L’avis d’une « non-spécialiste »
Le problème, c’est que je ne suis pas une enseignante spécialisée. Je n’ai pas eu de formation spécifique, je ne possède pas le CAPA-SH, je n’ai que trop peu de contacts avec le RASED à mon goût (faute d’une classification ZEP en bonne et due forme et amplement méritée). Bref, je suis une professeure des écoles lambda, comme beaucoup d’autres. Il y a de quoi questionner la légitimité d’un post sur les EBEP (élèves à besoins éducatifs particuliers), qui ne relèvent pas de ma spécialité. Et pourtant, j’ai décidé de m’y risquer ! Le fait est que très souvent, sur les réseaux sociaux, je me retrouve à échanger avec des enseignants en difficulté face à un élève qui m’a fait penser à quelque chose que j’ai pu voir dans ma carrière. Depuis le début de ma carrière, j’ai eu une moyenne de 7 à 8 élèves concernés par an (oui, je me suis amusée à faire des stats pour les besoins de l’article). Alors, tant qu’à faire, je me suis dit qu’il pourrait être intéressant d’essayer de synthétiser mon expérience dans un article.
Il est donc évident que je demande à tous ceux qui passeraient par là de prendre tout ce qui est écrit ici avec des pincettes, et pas qu’un peu. Parfois, j’ai quelques connaissances théoriques/universitaires dans le domaine. Mais même dans ce cas, je n’ai que rarement approfondi le sujet au point de pouvoir affirmer où en est la recherche aujourd’hui. D’autre fois, je n’ai que des lectures, des échanges, des discussions ou des observations. Ce que je me propose de partager n’a rien d’un écrit théorique, ni d’une tentative de tout dire sur tous les cas possibles et imaginables.
J’ai décidé de partager ce que je crois comprendre, mais j’espère aussi que vous n’hésiterez pas à partager votre expérience. Parents d’élève, éducateurs, psychologues, maitres spécialisés, personnel d’un CMP, SESSAD ou d’un centre d’accueil : nous sommes nombreux à œuvrer régulièrement avec ces élèves un peu particuliers et je crois que nous avons tous des choses très intéressantes à dire à leur sujet. Ce blog, je l’ai créé pour pouvoir échanger, alors échangeons :).
Des conseils et des idées
Ce que je vais écrire par la suite ne peut donc être que des conseils, des pistes. Je veux dire par là qu’il ne s’agit pas d’un « guide » à suivre à la lettre. Chaque enfant à ses particularités et il est impossible de décrire à l’avance tous les profils que vous pourriez rencontrer dans votre carrière. De plus, résumer le comportement et les capacités d’un élève a toujours été un exercice affreusement difficile pour moi. Aussi, il s’agit plus de prendre des idées par-ci par-là. N’hésitez pas à partager vos petits « trucs », vos idées, à la suite de cet article, en commentaires.
Un article général
Je pensais, au début, écrire un article sur tout ce que j’ai pu rencontrer. Mais je suis aussi très bavarde et chaque enfant, chaque histoire, me passionne. De ce fait, je vais m’efforcer avant tout de résumer ici, de lister les grands profils et d’en dire quelques mots. Ces quelques mots, je les écris un peu comme ils me viennent. Je sais que ce n’est pas suffisamment construit comme propos mais je repasserai de nombreuses fois pour essayer d’améliorer l’article. C’est un sacré chantier ! Je ferai ensuite un article par cas plus spécifique, en détaillant davantage tout ce que j’ai été susceptible de mettre en oeuvre. J’essayerai de vous rediriger le plus efficacement possible vers les articles concernés dès qu’ils auront été écrits.
Généralités
Pas de diagnostic hâtif
Tout comme nous pourrions être contrariés lorsqu’une personne « non-initiée » se permet de juger telle ou telle proposition pédagogique ou didactique, les autres spécialistes seraient en droit de se montrer mécontents si nous nous mettions à diagnostiquer des troubles chez les élèves. Et pour cause : nous ne sommes pas de spécialistes. Les termes précis liés aux troubles peuvent être intimidants voire carrément angoissants pour les parents. Les prononcer un peu trop vite peut s’avérer totalement contre-productif ! Le parent pourrait décider de fuir les spécialistes, de peur que ça se confirme. L’enfant pourrait s’angoisser, au point d’aggraver ses difficultés. L’un et l’autre pourraient vous en tenir rigueur et se montrer moins conciliants, consciemment ou non, ce qui sera forcément moins bon pour l’élève. Bref, je crois qu’il vaut mieux se garder de tout diagnostic et de laisser faire ceux dont c’est le métier.
A la place, je préfère signaler aux parents les difficultés que je rencontre. Je précise que j’ai un doute, que je pense qu’il serait préférable d’en parler avec le médecin traitant afin que celui-ci prescrive une ordonnance quand c’est nécessaire. Ou alors, je conseille certains spécialistes et je propose l’idée d’un bilan. Je leur dis toujours que je me trompe peut-être, mais qu’il serait bien plus commode d’en avoir le cœur net. S’il n’y a rien, nous voilà rassurés et nous pourrons mieux avancer car nous aurons éliminé des pistes. Qu’il y ait quelque chose ou non, le bilan sera salvateur car il pourra m’aider avec précision : je saurai avec plus de certitude les points forts de l’élève sur lesquels m’appuyer, les points à améliorer, avec des pistes. Tout cela me fera gagner un temps précieux car je regrette toujours beaucoup lorsque je constate, en fin d’année, que j’ai perdu des mois en allant dans la mauvaise direction, faute d’un bilan précis dressé par un professionnel. En somme, je présente cela comme quelque chose de forcément très positif. Cela ne m’empêche pas de les rassurer : je continuerai à tout mettre en oeuvre comme je l’ai fait jusque là.
En attendant
Evidemment, cela ne veut pas dire que nous devons attendre ce diagnostic pour nous mettre à agir concrètement. Même s’il devait y en avoir un, les bilans prennent souvent plusieurs mois à être faits, le suivi ne débute souvent que l’année suivante. Ne parlons pas des AVS et des dossiers MDPH ou des suivis CMP ! Ils sont débordés. Vous avez de fortes chances de ne pas bénéficier directement de toutes ces démarches que vous initiez. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas les faire. Parallèlement à ces démarches, nous devons donc prendre les choses en main, à notre mesure.
Il ne faudrait pas en venir à douter de nos compétences en matière d’observation et d’analyse. Nous sommes tout à fait à même d’observer et de comprendre un enfant, la plupart du temps. Plus les années passent et plus notre expérience croît dans ce domaine. Et puis, nous sommes toujours entourés de collègues, du RASED et il y a même internet maintenant avec ses réseaux sociaux, ses blogs, etc. Avec tout ce monde autour de nous, nous avons les moyens d’avancer avec ces enfants à besoins éducatifs particuliers.
Le jugement
Si vous peinez face à cet élève, imaginez ce que doit ressentir sa famille. Si son comportement vous est tout juste supportable pendant cinq heures, que doit vivre la famille qui doit faire avec les dix-neuf heures qui restent ? On a parfois l’impression que la famille est détachée du problème. N’oublions pas que le déni, l’évitement, sont des stratégies de préservation que peuvent adopter les parents car affronter le problème leur apparaît trop difficile. Comprenez qu’il s’agit de leur chair, d’une des choses qui leur est le plus précieux, de ce qui leur avait été annoncé comme la belle chose qu’on ait dans une vie… alors que tout s’avère bien plus compliqué que prévu. N’oublions pas non plus que nous sommes des professionnels, que nous avons été formés à prendre du recul, à agir la tête froide. Nous sommes convaincus que ce que nous faisons, nous le faisons pour le bien de l’enfant parce qu’on nous a expliqué, montré ou prouvé que c’était le cas. Les parents n’ont pas cette chance : ils sont boulangers, ouvriers, artisans, avocats… mais pas éducateur ou pédagogue ! Ils font aussi ce qu’ils pensent être le mieux. Et ils sont parfois aussi convaincus que nous le sommes.
On regrette aussi souvent que la famille nous semble démunie et ne nous apporte aucune réponse. Mais en y réfléchissant, on comprend bien que si les parents avaient trouvé un « remède miracle », il n’y aurait plus de problème. C’est donc à nous, professionnels, de trouver les solutions, et d’espérer que notre conseil sera pris en compte. Mieux qu’espérer : à nous d’établir un rapport de confiance mutuelle avec les familles pour que notre conseil ait une vraie valeur aux yeux des parents. Si nous les jugeons, même si nous nous efforçons de ne rien en montrer, cela ternira cette relation de confiance.
L’observation
Avant la rentrée, je me renseigne toujours auprès de mes collègues. J’aime avoir leur point de vue. Cela ne veut pas dire que je m’arrête à celui-ci, mais je le prends en compte. L’enfant n’est pas jugé dès qu’il arrive, mais je l’observerai avec quelques pistes déjà en tête, tout en veillant à ne pas écarter les autres. Dès les premiers jours, je commence mon analyse. Certains faits me sautent aux yeux (ce dont je me méfie toujours un peu), d’autres nécessitent que je sois plus patiente et méticuleuse dans mon observation. Quand je me sens débordée, je me fixe des objectifs : telle semaine, j’essaye de bien observer trois enfants. La semaine suivante, je m’intéresse à trois autres, etc. Le but est de m’organiser jusqu’à ce que j’aie le sentiment d’avoir fait un premier tour convenable de mes élèves et que je les connaisse tous au moins un peu.
Le dialogue
N’oublions pas que l’élève est encore le mieux placé pour savoir ce qui se passe dans sa tête. Avec lui aussi, il va falloir avancer main dans la main. Les rapports frontaux sont à éviter selon moi. L’élève doit pouvoir nous faire confiance pour s’ouvrir. Il doit aussi se sentir en sécurité d’un point de vue affectif : quoiqu’il fasse, quoiqu’il devienne, quoiqu’il nous révèle, nous l’apprécierons toujours autant. Sa place dans la classe ou sa place dans sa relation à l’enseignant ne doit jamais être remise en question par ses aveux ou ses erreurs… même lorsqu’il s’agit d’infraction au règlement. De même, se mettre à crier, se fâcher publiquement ou utiliser des mots comme « encore » ou « toujours » peuvent le blesser et mettre en doute cette affection que vous lui portez.
Au début, l’élève n’a pas toujours les mots. Il m’arrive souvent de devoir observer très précisément un élève, pour pouvoir ensuite lui proposer mes hypothèses. Alors, dans un premier temps, il me guide en éliminant ce qui ne reflète pas sa réalité et en approuvant mes hypothèses justes. Ainsi, petit à petit, je le connais de mieux en mieux et lui a de plus en plus de mots pour décrire ce qui se passe à l’intérieur.
Mobiliser l’enfant
Je crois que si seul l’élève peut savoir ce qui se passe dans sa tête, c’est aussi le seul à pouvoir se changer lui-même. C’est l’enfant qui apprend, pas l’enseignant. Il me semble que c’est valable pour le comportement, comme pour les connaissances. Si l’élève n’est pas conscient de ses difficultés, la première étape devrait toujours être de lui permettre de s’en rendre compte, pour qu’il puisse souhaiter un changement. Il ne faudrait pas pour autant qu’il en vienne à se détester lui-même, à mépriser ses propres actions. L’amour propre et la confiance en soi restent des clés essentielles lorsqu’il s’agit de s’accomplir. Alors, tout son parcours sera jalonné par des moments individuels (voire collectifs, avec son accord) d’échange et de valorisation de ses efforts. Il faudrait, tant que cela est possible, l’investir au maximum dans sa propre progression.
Si ses progrès ne sont dus qu’à un changement de cadre, cela veut dire qu’il est possible que ces améliorations ne soient ni intériorisées, ni stabilisées. Dans ce cas, il y a fort à parier que tout s’effondre avec le changement d’enseignant l’année suivante. Or, je crois que notre but est que la scolarité complète de l’élève se déroule au mieux, pas uniquement de travailler en paix durant le laps de temps où nous l’aurons dans notre classe. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas d’adaptation : mais toute adaptation (en milieu scolaire ordinaire) devrait viser de permettre à l’enfant de progresser jusqu’à pouvoir suivre une scolarité classique. Ce n’est pas toujours possible, mais il n’empêche que c’est un objectif à cibler. Il faut au moins s’en approcher.
Quelques profils
Pour cet article, j’ai décidé de ne pas évoquer un élève en particulier mais plutôt d’essayer de dresser des profils. L’idée, c’est qu’un enfant peut faire penser à plusieurs profils à la fois. Du coup, ici, j’essaye d’analyser la difficulté précise que je cible, de l’isoler et de proposer une solution adaptée. Dans les faits par contre, l’enfant peut avoir de nombreuses difficultés qui se combinent et il est important de bien le connaitre pour savoir si les propositions faites ici semblent pertinentes ou pas. Parfois aussi, le climat de classe a une influence non-négligeable sur les choix que nous faisons.
J’ai déjà vécu des cas où des solutions mises en place dans ma classe se sont avérés particulièrement inefficaces l’année suivante avec lui. C’est qu’il est important de connaitre son élève, qui peut avoir beaucoup changé en un été, et sa classe. N’appliquez jamais de « recettes » : toutes les solutions ne peuvent être appliquées qu’avec beaucoup de recul et des adaptations aux particularités du contexte et de l’élève. Quelles que soient vos observations, je vous conseille d’aller au-delà de cet article très sommaire malgré sa longueur. Lisez des livres, des sites internet spécialisés, cherchez des sources les plus scientifiques possibles et éviter de vous enfermer dans des « croyances ». Confrontez les opinions : il a souvent matière à débat et il n’existe aucune solution miracle.
Je ne parlerai que de ce que j’ai déjà vécu, expérimenté ou vu faire chez des collègues. Aussi, certains « profiles » seront absents comme les élèves allophones ou encore les élèves autistes. J’enrichirai cet article au fur et à mesure.
Comme je l’ai dit précédemment, je vais essayer d’être succincte et rédigerai des articles plus complets au fur et à mesure. Il est aussi fort probable que je reformule ou enrichisse le présent article au fur et à mesure des expériences vécues et de mes lectures.
Sommaire des profils
Les problèmes d’apprentissages
Les difficultés de compréhension ou de perception orale
Le plus souvent, le problème relève de l’une des trois origines suivantes : un problème d’audition, un problème de perception des sons ou des mots, ou alors un problème de langue. La plupart du temps il me semble, dès la maternelle, l’audition est testée. Il se peut aussi que les collègues remarquent des difficultés persistantes et conseillent à la famille de faire tester l’audition de leur enfant par un spécialiste. S’il n’y a aucune raison que la langue soit une barrière (quand le français est la langue maternelle), l’audition est la première piste à explorer car ce type de trouble peut nécessiter des soins et des aménagements spécifiques (voire une orientation).
Une fois les pistes de la langue et de l’audition écartées, on peut explorer les troubles phonologiques. Attention à ne pas parler trop vite de dysphasie. La dysphasie est un trouble complexe, pouvant s’exprimer de bien des manières. Elle n’est diagnostiquée que lorsque les troubles sont importants et persistent à l’âge de 5 ans. Elle ne peut l’être que par un spécialiste. Quoiqu’il en soit, dysphasie ou non, il semble pertinent d’orienter les familles vers un orthophoniste qui pourra dresser un bilan et éventuellement démarrer une rééducation. Pensez à faire faire une ordonnance par le médecin traitant pour que le bilan soit remboursé (en partie).
De notre côté, nous devons mettre en place des aménagements. Avec des enfants lecteurs, une consigne écrite peut aider (à condition qu’aucun trouble de la lecture ne soit associé). Mais même avant cela, on peut recourir au visuel en utilisant notamment des pictogrammes et des couleurs. Les pictogrammes peuvent être choisis en équipe en faisant référence à des actions simples. Les consignes seront elles-mêmes le plus simple possible, découpées en tâches uniques selon les capacités de l’élève (une tâche par consigne). On peut trouver des pictogrammes chez Orpheecole (pour les CP, mais pourquoi pas avant et après !). De même, pour les couleurs, il est conseillé de garder un même code de couleur pour l’analyse des natures puis des fonctions de la maternelle au CM2 (et pourquoi pas après) ou même pour la décomposition des nombres (unités, dizaines, centaines, etc.). Si le mot « verbe » ne voudra pas forcément dire quelque chose pour l’enfant, le cadre rouge sera peut-être plus parlant pour lui. On peut essayer d’associer les deux (la dénomination « verbe » et le symbole « cadre rouge ») petit à petit, à l’aide d’un mémo par exemple dont l’élève aura un usage de plus en plus autonome.
Lorsque le trouble est très sévère, il arrive qu’il soit conseillé de recourir à l’aide d’un AVS pour reformuler les consignes et aider à l’utilisation (de plus en plus autonome) des outils mis à la disposition de l’élève. Dans certains cas extrêmes, une orientation en ULIS peut aussi être proposée, avec un temps en classe ordinaire et un temps spécifique avec un groupe plus restreint d’élèves présentant des troubles similaires en général.
Les difficultés d’expression
Comme toujours, il convient d’avancer avec prudence.
Parfois, des élèves sont si timides ou réservés qu’ils peinent à s’exprimer. J’essaye toujours d’établir un climat de confiance. Je propose aussi à cet élève des temps d’échange individuel et sans le regard des autres. J’essaye aussi de lui laisser un peu de temps après la rentrée pour qu’il prenne ses marques. Pendant ce temps, je me renseigne auprès de ses enseignants passés pour avoir leur avis sur la question et leurs observations.
D’autres fois, il s’agit d’un problème de langue, qui peut se vérifier assez simplement en consultant les collègues connaissant la famille ou en discutant avec les parents. Le lien entre perception et expression est important. Si l’élève comprendra toujours plus qu’il ne saura produire en situation d’expression, il faut faire attention à toujours rester dans sa zone proximale de développement. Je propose des textes et des situations de compréhension à sa portée tout en y ajoutant une ou deux difficultés. Je l’encourage aussi à réutiliser ce qu’il a appris. Comme lorsqu’on enseigne l’anglais et qu’on donne la consigne dans cette langue, j’associe le geste à la parole, je réalise toujours un exemple pour que ce qui est demandé soit plus probablement compris. J’essaye d’ailleurs, autant que possible et nécessaire, de prendre le temps de passer voir cet élève, au moins pour m’assurer de la bonne compréhension de ce qui lui est proposé.
Qu’il s’agisse d’un problème de langue ou non, je prends toujours soin de ne pas tout corriger. J’essaye de cibler une ou deux difficultés, celles qui me semblent les plus récurrentes ou les plus importantes, et je laisse passer le reste de manière temporaire. Il me semble que c’est d’ailleurs valable pour toutes les difficultés lorsqu’elles sont trop importantes (au point souvent qu’on ne sache plus par quel bout commencer). A le bombarder de corrections et de reformulation, on risque de noyer l’élève sous trop d’informations nouvelles ou de le complexer sur sa propre expression. Il s’agit de valoriser ses progrès tout en progressant en douceur.
S’il ne s’agit pas d’un problème de langue et que la difficulté persiste, il me semble, là encore, important de conseiller un bilan chez un spécialiste et ce assez tôt. J’ai déjà vu des élèves commencer une rééducation en grande section notamment et cela semble leur faire beaucoup de bien. L’élève gagne en confiance et part avec plus de billes lorsqu’il s’agira de commencer à apprendre la lecture et l’écriture.
D’une manière générale, je travaille toujours beaucoup l’oral. J’ai des temps spécifiques où je demande aux élèves de s’exprimer avec clarté et précision : temps du weekend le lundi matin pour un élève à tour de rôle, moment de l’appel, exposés ou restitutions d’un travail. Je précise toujours à l’avance que je leur demande de bien s’appliquer pour faire de jolies phrases. Il ne faut par contre pas que cet exercice nuise au contenu. Aussi, si les élèves ont beaucoup à partager pendant un temps de restitution et que les informations me semblent déjà bien complexes, j’éviterai de trop insister sur le langage oral. Les nouveaux programmes parlent d’ailleurs un peu plus de l’oral il me semble et ce n’est pas une mauvaise chose. L’oral peut servir de « brouillon » avant le passage à l’écrit d’ailleurs.
De même, en CP ou en CE1, nous réalisons de nombreux exercices phonologiques à l’oral, à l’image de ceux que l’on peut réaliser en maternelle. Au fur et à mesure de l’année, je réduis pour m’adapter aux besoins des élèves ou ne réalise plus certaines activités qu’avec un groupe de besoin. Plus le temps passe et plus je me dis que nous gagnerions sans doute, dans les milieux où les difficultés sont les plus importantes notamment, à nous inspirer davantage des exercices de phonologie réalisés en école maternelle pour renforcer le lien entre ces activités de manipulation orales et ce que nous faisons pour lire et écrire. Ces manipulations sont très importants, un facteur essentiel et pourtant, tous les élèves n’arrivent pas en CP en les ayant acquises. Il faudrait donc que nous puissions poursuivre le travail entamé durant le CP… et peut-être même après ? C’est une réflexion en cour de « maturation » sur laquelle je me pencherai plus en profondeur à l’avenir.
Les difficultés de passage à l’écrit
Là encore, il peut y avoir de nombreuses raisons et de difficultés différentes. Le tout est d’essayer de les analyser.
Parfois, il s’agit d’un problème moteur : le geste graphique est mal maitrisé ce qui peut provoquer des douleurs ou un manque de confiance en soi lorsqu’il s’agit de se lancer. C’est encore pire selon les commentaires auxquels l’élève a le droit, les pages déchirées ou les annotations dans la marge. Cela peut sembler évident mais il faudrait essayer, dans la mesure du possible, de ne pas demander à un élève ce qu’il n’est pas capable de réaliser. Il vaut donc mieux beaucoup observer avant d’en venir à commenter. Éventuellement, je questionne l’élève sur sa difficulté : Est-ce qu’il a mal quand il écrit ? Comment il tient son stylo ? Etc. La difficulté peut alors être purement motrice ou relever plutôt d’un suivi psychomoteur.
Lorsque je constate qu’un élève réservé, craintif, incertain, écrit tout petit… je me dis qu’il y a peut-être un lien. J’essaie alors de le mettre en confiance et si ce lien se confirme, il m’arrive de parler de psychomotricité aux parents. Il faut être prudent car le préfixe « psycho » peut être très effrayant. Je parle donc en général de confiance en soi, d’être à l’aise et non pas de troubles psychologiques. Je tourne la chose le plus positivement possible. Il vaut mieux bien réfléchir et préparer sa rencontre avec les familles, au cas où. Il est à noter que toutes les mutuelles ne remboursent pas un suivi psychomoteur mais qu’il existe des aides possibles. L’idéal serait de consulter l’enseignant référant pour en savoir davantage et guider les familles dans le besoin.
D’autres fois, aussi, il peut s’agir d’une appréhension, d’une peur de « mal faire », qui n’entraîne pas du tout une graphie hésitante ou de petite taille, mais peu d’écrit voire un blocage complet. Les élèves ont tellement peur de se tromper qu’ils n’osent pas poser sur le papier. L’écrit a quelque chose de définitif et cela peut inquiéter l’élève. Un important travail sur la place de l’erreur me semble à conseiller : à l’échelle de la classe d’ailleurs car l’école est le lieux de nombreuses angoisses à ce sujet. De plus, on peut proposer à l’élève de formuler sa phrase à l’oral dans un premier temps puis de passer à l’écrit. Il est aussi possible de proposer d’écrire sur l’ardoise d’abord, sans corriger son travail dans un premier temps. Ensuite, je propose en général : « Est-ce que tu veux que je t’aide à te corriger ? ». J’évite au possible de le contraindre. J’ai déjà vu d’excellents élèves se mettre à pleurer car il y avait trop de bleu clair (la couleur que j’utilise pour corriger) sur sa copie. Preuve, d’ailleurs, que la couleur ne change pas tout (c’est juste ma couleur préférée alors j’en mets un peu partout :P).
Il y a aussi l’enfant qui a « décidé » que l’écrit n’était pas pour lui et qui attend qu’on vienne « faire pour lui ». Dans ce cas, il va s’agir de motiver l’élève et de valoriser les écrits de tous (puis les siens, quand il s’y mettra). Il vaut mieux éviter une approche frontale (voire « les comportements d’opposition »). Il m’arrive toutefois, assez régulièrement, d’expliciter : je n’aide que ceux qui font des efforts, qui essayent.
On a aussi bien sûr les élèves qui ont des difficultés à transcrire phonétiquement les sons ou ceux qui n’arrivent pas à dépasser ce stade. Dans ce cas, il y a, là aussi, un bilan à faire réaliser par un spécialiste. Que la dyslexie, la dysorthographie ou tout autre trouble soit diagnostiqué ou non, le bilan apporte des pistes précises sur les points forts et faibles de l’élève. Si ce bilan n’arrive pas, il faut essayer de remonter la piste à notre échelle : capacités de manipulation et discrimination phonétique orale, visuelle, mémorisation des graphies, mémorisation à long terme, à court terme, mémoire de travail, etc. On peut s’inspirer d’un bilan orthophonique d’un autre élève, ne serait-ce que pour voir à quel point les compétences essentielles sont décortiquées. Il me semble aussi essentiel de se réserver un moment avec l’élève pour le voir en situation, essayer de le comprendre voire le questionner (bien que le métalangage puisse lui-même être source de difficultés).
Certains élèves n’ont qu’une difficulté : constituer des phrases syntaxiquement justes et avec le vocabulaire adéquate. Là encore, l’oral est mon premier outil, comme je l’ai expliqué dans mon paragraphe précédent concernant les difficultés d’expression orale.
Les difficultés de lecture
J’ai surtout expérimenté tout cela en cycle 2. En cycle 3, les difficultés de lecture sont souvent prises en charge avec un suivi orthophonique, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Je regarde mes anciens élèves de CM bien différemment après un passage en CP et j’ai bien plus de pistes sur tout ce qui pourrait être mis en place pour eux.
Lorsqu’il s’agit de décoder, les élèves ne viennent jamais « neutres ». Ils ont déjà une représentation de l’écrit qu’ils se sont construites à force de l’avoir rencontré à l’école et en dehors. Certains peuvent être de très bons décodeurs mais, puisqu’ils ne mémorisent aucun mot ou trop peu, ce décodage systématique reste trop coûteux pour accéder au sens. Selon l’âge, j’entraine sur des listes de mots (sous forme de listes ou de jeux) pour que l’élève se constitue une sorte de répertoire de « mots outils » et « mots fréquents ». Avec des difficultés moindres, je peux aussi simplement entrainer la fluence (notamment avec l’ouvrage Fluence des éditions de la Cigale vol.1, vol.2 et vol.3). Cependant, il reste important d’analyser tous les mots appris : la lecture n’est jamais une affaire de devinette. Concernant ce profil d’enfant, c’est rarement le problème, mais je ne tiens jamais cela pour acquis et le répète toujours, encore et encore.
Parfois aussi, il s’agit d’un problème de décodage. Il y a ces élèves qui « devinent » ou qui ne lisent que les premières lettres. J’ai déjà rencontré, parmi ces élèves, des élèves qui veulent bien faire, qui sont pressés de lire et qui pensent que « bien lire », c’est avant tout « lire vite », comme les adultes en particulier. En CP notamment, je lis souvent très lentement, leur permettant de suivre. Nous faisons aussi des recherches sur les mots « difficiles à lire » et nous les analysons. Il y aussi les élèves qui éprouvent des difficultés avec les multiples graphies d’un son, ou ceux qui n’arrivent pas à mémoriser le symbole visuel (la lettre ou l’ensemble de lettres) associé à un son. Enfin, il a la difficulté des digrammes, trigrammes et plus : il faut réussir à savoir quand commence la transcription du son et quand elle s’arrête. Il faut réussir à savoir s’il faut lire uniquement le « a » ou aller jusqu’au « i » pour faire « ai » ou encore aller jusqu’au « n » pour faire « ain », etc. L’exercice du décodage peut être très difficile. Les éditions de la cigale proposent aussi un guide « clés en main » pour travailler le décodage mais j’avoue ne jamais l’avoir utilisé.
L’essentiel est de réussir à analyser la source de difficulté. Lorsqu’il s’agit de lecture, que nous soyons en CP ou en CE2 (voire après pour des élèves en difficulté), chaque élève lit individuellement avec moi (pas devant le groupe classe pour éliminer la variable « pression du collectif » et éviter l’agitation de la classe lorsque chacun doit passer). Je fais souvent cela en plusieurs sessions en début d’année lorsqu’il s’agit d’élèves déjà lecteurs avec un test de fluence. Je me note ensuite les difficultés observées avec précision. En cas de doute, je ferai lire cette élève à nouveau pour approfondir mon observation. J’utilise d’ailleurs souvent mes premières séances d’APC pour prolonger l’observation. A partir du moment où l’on a réussi à mieux comprendre les mécanismes mis en oeuvre par l’élève, en le questionnant à ce sujet si besoin, il est plus aisé de mettre en place des remédiations.
Je tiens d’ailleurs à préciser que je parle de remédiation avant tout et non d’apprentissage de la lecture à proprement parler. Mon expérience sur la question ne tiendrait pas en quelques lignes et mon idée n’est pas de lancer une polémique sur le sujet. Je proposerai, cette année normalement, un article sur mes « boites de sons » qui me servent avec mes CE2 très faibles lecteurs.
Petits « tips » pour les élèves dyslexiques : il existe un plugin Open Office pour mettre les syllabes en couleurs et une police d’écriture OpenDyslexic libre de droits. Je n’ai jamais eu besoin de les utiliser mais ça peut servir. De mon côté, j’augmente l’interlignage et l’espace entre les caractères. Ça aide déjà beaucoup ! Je fais aussi attention à la police d’écriture que j’utilise, dès le CP : les I majuscules ont des barres, etc. Beaucoup utilisent « Comic Sans MS » notamment.
Les difficultés de mémorisation
La mémoire est un vaste sujet d’étude. On connait de nombreuses mémoires (je schématise beaucoup et tous les chercheurs ne modélisent pas la mémoire de la même façon) :
- Mémoire à long terme :
- dont la mémoire « encyclopédique » qui permet d’emmagasiner les connaissances
- dont la mémoire « épisodique » qui permet de mémoriser des moments de vie (certains éléments de la mémoire épisodiques se transforment progressivement pour entrer en mémoire « encyclopédique »)
- dont la mémoire « procédurale » qui permet d’enregistrer des gestes, des séquences de gestes ou des techniques
- Mémoire à court terme :
- dont la mémoire de travail : celle qui permet de stocker une information et d’y appliquer une transformation (restituer une suite de nombre à l’envers, conjuguer un verbe à partir de son infinitif, etc.)
De plus, on sait aussi que tout n’est pas emmagasiné de la même façon dans la mémoire à long terme. Par exemple, on va beaucoup recourir au visuel pour ce qui est de la reconnaissance des graphèmes et des mots, mais on va avoir tendance à enregistrer les tables de multiplication sur un format « oral/auditif » car on les récite en comptine. On voit bien que la façon dont est abordée une connaissance va beaucoup influencer la façon dont elle est stockée mais aussi, du coup, la façon qu’on aura de retrouver l’information stockée.
On peut jouer sur la mise en scène ou l’affectif pour favoriser une meilleure mémorisation. On trouve par exemple un album « Hugo et les rois être et avoir » (que je n’ai pas testé), les vidéos « multimalin » (que je n’ai pas testé non-plus), ou encore les mots « illustrés » (qui se basent aussi sur le visuel mais qui peuvent être le point de départ d’une histoire par exemple). On peut aussi varier les entrées, avec des manipulations en mathématiques comme en français, des expériences, de la recherche. On le sait depuis un moment maintenant : l’enfant actif apprends mieux. Les jeux sont d’ailleurs un excellent vecteur de mémorisation car ils associent la motivation à la mémoire épisodique et permettent un transfert progressif vers la mémoire encyclopédique il me semble. Il faudrait tout de même que je creuse (à nouveau) la question d’un point de vue plus scientifique pour vous en parler un peu mieux. Si c’est la mémoire procédurale qui est très efficace, la répétition et la manipulation pourra beaucoup aider.
La mémoire à court terme demande un entrainement spécifique et progressif. Il faut aussi savoir calibrer sa demande. L’empan mnésique envers (le nombre d’élément qu’on peut mémoriser en mémoire à court terme et restituer à l’envers) est environ de 3 à 7 ans, de 3,5 entre 8 et 10 ans et de 4 à 10 ans. Pour un adulte, il est de 7 plus ou moins 2. On se rend vite compte de l’importance de découper les tâches au maximum pour ne pas surcharger cette mémoire et d’offrir des supports matériels au travail sur les objets d’étude (mots, nombres, etc.). Il faut savoir que l’utilisation d’un cahier de brouillon ou d’une ardoise n’est pas suffisante : encore faut-il leur donner les moyens de représenter ce qu’ils ont en tête. Ce n’est pas inné !
Les élèves précoces ou avec des facilités importantes
S’il y a une difficulté qui est délicate à prendre en compte, c’est bien celle-ci. On a pour habitude de nous former à adapter nos contenus aux élèves en difficulté, mais moins à ceux qui « carburent bien » (voire trop). Ces élèves sont souvent très percutants, comprennent très vite. Cependant, ils ne sont pas toujours très performants dans les tâches trop « scolaires » car ils veulent parfois aller trop vite ou ne voient pas bien l’intérêt de ce qu’ils font puisqu’ils ont déjà compris. Combien répondent « mais je sais déjà, c’est bon » avec agacement parfois ?! C’est aussi pour ces élèves que je trouve important de varier les modalités de découverte et d’entrainement : quelques exercices d’entrainement mais aussi des situations plus complexes et concrètes, tantôt authentiques (comme une correspondance ou un projet), tantôt ludiques avec des jeux. Je limite aussi les exercices d’application « bête et méchant » (1 à 2 par jour en Français et en Mathématiques) : un élève qui n’a pas compris ne comprendra pas mieux parce qu’il a fait cent fois la même manipulation vide de sens et ceux qui ont compris risquent de s’ennuyer bien vite car ils n’ont pas besoin de répéter cent fois la manipulation demandée.
En outre, il n’est pas rare que ces élèves aient déjà des centres d’intérêts marqués. Le monde est riche de choses à découvrir, notamment des choses hors programmes (les planètes, les corps célestes, l’histoire des autres continents, toutes les découvertes scientifiques, tous les animaux, les dinosaures, etc.) . C’est souvent avec ces choses que je nourri leur intérêt et élargis le champ de ce qui les intéresse en douceur, sans les contraindre. L’école leur semble déjà souvent bien assez contraignante. Bien sûr, il s’agit de moments : il est aussi important que l’élève vive la collectivité, apprenne la patience, la tolérance envers ceux qui ne s’en sortent pas comme eux. Je me rappelle d’un élève de CP qui me disait « Je ne veux pas être son copain, il est trop bête et il ne comprend jamais rien ! ». Si la lecture était acquise, le vivre ensemble à revoir.
D’ailleurs, l’une des difficultés qui apparait fréquemment avec les élèves précoces ou en avance, même légèrement, est une forte hétérogénéité du développement. Il peut être excellent en mathématique et en français et avoir un niveau d’un élève de 2 ans plus âgés, mais avoir la maturité émotionnelle d’un enfant de 2 ans moins âgé. Souvent, leur plus fine compréhension de ce qui les entoure les sépare des autres enfants qui ne se sentent pas encore concernés par leurs problématiques. La frustration aussi, l’échec, la défaite peuvent être gérés avec difficultés. Certains peinent à se faire comprendre et finissent par faire preuve de violence. Un travail mené sur les émotions peut beaucoup profiter à ces élèves. Il mettront à profit leur esprit d’analyse pour mieux se comprendre eux-mêmes et les autres, donc mieux vivre ces différences et potentiellement, avoir plus de prises sur celles-ci.
Pour les plus grands, j’entends parfois « il me semble très intelligent mais à l’école, il n’est pas brillant pour autant ». On sait maintenant que les élèves précoces peuvent être en échec scolaire. Dans tous les cas, si l’élève vous semble plus percutant que la moyenne, se poser des questions d’un autre âge, il peut être intéressant de consulter le RASED pour savoir que faire. Régulièrement, j’entends dire qu’ils ne sont pas la priorité car les RASED sont souvent débordés, mais j’effectue tout de même une fiche de suivie et j’en parle avec les parents pour connaitre leur point de vue. Si cela me semble vraiment pertinent, je leur propose éventuellement de réaliser un bilan car la précocité demande aussi des adaptations et peut parfois très mal tourner. J’ai déjà vu un élève précoce se faire virer d’une école élémentaire.
Par contre, attention à ne pas donner le bâton pour se faire battre. A trop insister sur le « génie » de l’élève, certains parents finissent par s’enfermer dans cette « excuse » et demandent alors à l’école de s’adapter car leur enfant s’ennuie, n’est pas assez nourri. C’est parfois vrai, mais parfois le comportement de l’élève est tel qu’il faut plus que de simples adaptations. Il ne faut donc pas trop arrondir les angles : le comportement d’élève (et de futur citoyen) est l’un des objectifs à atteindre à l’école et c’est aussi important (sinon plus) que de réussir en mathématiques ou en français. On peut faire preuve de souplesse mais pas tout tolérer sous prétexte que l’élève est « plus intelligent que les autres ». Les parents doivent aussi l’entendre : l’éducation reste nécessaire. « Nourrir » l’enfant ne suffit pas.
Les difficultés de praxie, les difficultés motrices
Il s’agit d’une difficulté face à laquelle je me sens bien démunie car c’est peut-être celle pour laquelle je suis la moins formée. J’avoue m’intéresser de très près, ces temps-ci, à la question de la motricité fine, de l’écriture, etc. Cela dit, je n’ai encore effectué aucun travail de recherche dans le domaine. Aussi, tout ce que je peux dire pour l’heure, c’est qu’il faut savoir adapter et faire preuve de patience, ce que ne nous avance pas beaucoup. Cela reste vrai même si nos nerfs sont mis à rude épreuve quand, pour la cinquantième journée consécutive, l’ensemble du contenu du casier de l’élève est par terre à 8h35. Il est bien inutile de s’énerver : l’élève n’y peut souvent pas grand chose et souffre déjà bien assez lui-même de devoir tout ramasser à chaque fois.
Pour ces élèves, j’essaye d’anticiper :
- je leur laisse parfois un bureau double pour lui tout-seul (dans ce cas, les bancs à trois, les tables un ilots ou en U peuvent être une bonne chose pour éviter de l’isoler)
- je leur propose de l’aide pour ranger le classer ou l’aide d’un camarade
- je sensibilise toujours à l’importance de l’entraide pour que, spontanément, les élèves s’aident les uns les autres en cas de chutes d’objets, de trousses, afin que ces aides soient naturelles et que l’enfant ne se sente pas pointée du doigt
- j’adapte ou j’aide pour les découpages, les activités manuelles, d’arts et je valorise toujours (car, mine de rien, on peut mal maitriser son geste et se montrer très créatif tout de même, parfois plus que le bon élève trop minutieux qui ne se lâche jamais)
- je travaille tout particulièrement mes séances d’EPS pour lui permettre de développer ce qui lui manque
- je peux lui mettre une barquette à disposition à la place d’une trousse
- je peux lui proposer une étagère pour ranger ses affaires à la place d’un casier
Pour le moment, je fonctionne « à l’instinct » : c’est à dire que j’observe la difficulté et je réagis le plus vite possible pour mener à une progression aussi, vers plus d’autonomie.
Cela dit, très rapidement et de préférence avant la fin du premier trimestre, je propose un bilan s’il n’a pas déjà été réalisé. Le soucis avec la motricité, c’est qu’il faut essayer de voir d’où ça vient. J’ai déjà vu toutes sortes de difficultés : purement graphiques (et un graphothérapeute ou graphomotricien pourra traiter le problème), lié aux gestes du quotidien (plutôt ergothérapeute alors) ou alors liés à son comportement (psychomotricien). Le dernier cas est le plus difficile à avancer. Je vous ai déjà parlé d’eu un élève qui écrivait très petit et qui étaient très timide, dont la hauteur de l’écriture grandissait proportionnellement à la confiance qui s’établissait entre l’élève et la classe. J’ai aussi eu un élève qui avait beaucoup de peine à s’exprimer, à exprimer ses sentiments, à échanger des points de vue avec les autres élèves, qui était marqué de nombreux TIC du visage lorsqu’il devait s’exprimer, très « brouillon » dans sa manière de parler comme de bouger… et d’écrire ! Dans ces cas-là, j’ai glissé la possibilité de rencontrer un psychomotricien en rassurant sur le côté « psycho » : il s’agit avant tout d’être plus à l’aise dans son corps, avec soi-même et les autres. Difficile de se lancer, mais les psychomotriciens font toujours beaucoup de bien, tout comme les autres spécialistes d’ailleurs.
Les problèmes comportementaux
Les comportements d’opposition
Ces comportements sont peut-être les premiers à nous faire un choc en début de carrière. Je sais qu’avant d’être prof, je ne m’imaginais pas que les élèves puissent à ce point dire « non », être dans le refus, l’insolence voire la méchanceté parfois, vis-à-vis des autres et de l’enseignant. Pour certains, c’est devenu un automatisme. D’autres essayeront de vous convaincre que vous êtes responsable, qu’il ne vous aime pas vous, que c’est uniquement contre vous. Il fera peut-être même exprès de se comporter bien comme il faut avec d’autres collègues, qui auront en plus parfois le « bonne idée » de vous faire savoir « qu’avec elle, ça se passe très bien ». Cela peut être très déstabilisant au début ! On se remet en cause, on essaye d’avoir l’air plus sympathique ou, au contraire, plus sévère et pourtant la situation ne fait qu’empirer… parce que l’élève a surement senti qu’il avait une prise sur vous. Naturellement, mon premier conseil est donc le suivant : prenez de la distance. Cet élève ne vous en veut pas forcément, pas directement, ce n’est très probablement rien de personnel même si ça en a tout l’air !
Ainsi, vous pourrez prendre du recul et mieux analyser la situation. Je crois que les comportements d’oppositions cachent toujours quelque chose d’autre : sentiment de toute-puissance ou enfant roi mais aussi frustration face à l’échec, peur de l’échec, peur de l’abandon, peur du regard des autres, honte, angoisse, etc.
Quelle que soit la situation, votre but va avant tout être d’éviter le frontal. J’ai encore en tête un exemple assez récent avec un élève en opposition que j’ai cet année (mais qui n’est en opposition que de temps en temps, d’où le piège) : il est en difficulté en lecture et je lui ai demandé de lire le titre de la page (quelque chose de simple qu’il peut réussir à lire). Et voilà qu’il refuse devant tous ! J’ai été bien embêtée, je peux vous le dire, et peu ravie des options qui se sont présentées à moi, faute d’avoir anticipé cette situation. Le lendemain, je l’ai prévenu : je vais te demander de lire aujourd’hui ou demain et tu ne pourras pas refuser. Il m’a demandé à savoir à l’avance ce qu’il lirait, alors je lui ai prêté le livre à l’avance, et il a lu. En l’occurrence, il fallait qu’il sache que je ne lâcherai pas le morceau et que je reste celle qui décide mais qu’en retour, je ne lui tends pas de piège et que je ne lui demande rien dont il ne serait pas capable. Pour cet élève le manque de confiance et la toute-puissance cohabitent et il est essentiel de rétablir deux vérités : je décide mais il peut se fier à mon jugement et à ma bienveillance.
La difficulté réside en réalité plutôt dans la manière. Il faut être vigilant à éviter ces situations d’opposition au possible en anticipant un maximum et en connaissant ses élèves. Il faut aussi être ferme mais éviter le frontal et, lorsqu’il s’oppose trop, ne pas faire durer… sans céder ! Plus facile à dire qu’à faire… Dans ce cas, il vaut mieux prévoir des portes de sortie. Je l’évite au possible mais si je sens que mon élève est tendu ce jour-là, je préviens ma directrice et voit si, dans le cas où il s’opposerait à nouveau, je pourrais lui envoyer pour une petite discussion. Moins on utilise cette carte, plus elle fonctionne. A contrario, si on l’utilise trop, l’élève peut commencer à en jouer pour être sorti de la classe voire, pire, vous pousser à bout puis refuser de sortir ! Autre moyen de temporiser : lui laisser un temps de côté (s’il est susceptible d’accepter un déplacement) et lui demander de revenir vers nous quand il se sentira prêt. On a beau croire que les élèves aiment « punis de travailler », si le travail réalisé est intéressant, sympa ou valorisant… il ne voudra pas être puni si longtemps ! A nous de rendre la chose la plus intéressante possible !
Se donner en spectacle est la pire chose à faire. D’abord parce que le risque est de coller une étiquette à l’élève dont il peinera à se défaire et il risque donc de se maintenir dans son rôle. Ensuite, parce que vous avez des spectateurs qui ne prendront peut-être pas votre parti (surtout pour les plus grands). J’ai déjà eu droit à des élèves de CM qui m’ont dit « Maitresse, ça ne se fait pas ça ! » (de quoi fulminer davantage) ! J’évite aussi de prendre à partie les camarades de la classe : s’ils le font, l’élève en opposition pourrait très mal le vivre et ça ne l’encouragera pas à se montrer plus conciliant ni n’encouragera la paix dans la classe. Par contre, face à un élève qui se plonge dans le mutisme pour marquer son opposition, il peut m’arriver de demander « Est-ce qu’un copain pourrait l’aider en lui rappelant ce que j’attends ? » et d’ajouter « ce serait vraiment très gentil de votre part. » Là, personne n’est pris à défaut. L’élève est souvent soulagé, quelque part, de sortir lui-aussi de cette impasse. J’ajoute ensuite à l’élève que je sais qu’il sait déjà tout cela et qu’il n’a simplement pas envie de le dire car il est contrarié mais qu’il devra tout de même respecter les mêmes règles que les autres, sans quoi ce ne serait pas juste. On diminue un peu le risque de récidive, car il sait que tout le monde verra clair à travers son « jeu » lorsqu’il recommencera… Mais il peut aussi tout aussi bien décider de vous tester un peu plus longtemps et recommencer ! Difficile à prédire…
Bref, pas de recette miracles : avec ces élèves, il faut être capable d’une anticipation très importante et de faire de magistrales pirouettes pour s’en sortir la tête haute sans heurter l’élève en question pour autant. Sacré exercice, peut-être l’un des plus éprouvants, et pourtant le plus fréquent dans les milieux difficiles où nous débutons pour la plupart.
L’agitation, le mouvement
C’est un grand thème du moment, une question « à la mode ».
On vous proposera peut-être des ballons pour s’asseoir, des élastiques pour les pieds, des balles à malaxer, et tout un tas d’objets censés fonctionner. Je vais vous avouer que je n’y ai jamais eu recours, même avec un élève TDA. Qui plus est, il me semble important de rappeler que ces objets ne sont pas souvent présents dans les catalogues fournisseurs, prévus dans les budgets de la mairie et qu’on n’a pas le droit de faire entrer n’importe quel mobilier dans l’école, notamment à cause des normes anti-incendies. Renseignez-vous donc bien avant de vous lancer sur cette piste et pensez aussi à mesure votre investissement financier.
D’autres iront jusqu’à dire qu’il ne faut plus exiger que l’élève soit assis, ou assis correctement, ou à table, en s’inspirant notamment d’autres pays ou des pédagogies alternatives comme Montessori. Il y a du bon dans ces idées-là, mais n’allez pas jusqu’à culpabiliser lorsque vous demandez à vos élèves d’être assis correctement (notamment pour des raisons de santé d’ailleurs). Par contre, j’en retiendrais de tout cela qu’il est important d’alterner avec des activités plutôt courtes (15 minutes à 30 minutes me concernant) avec des moments assis et calme, des moments en groupe, des moments où l’on se déplace, des moments où l’on manipule, etc. Ainsi, en anticipant le besoin de bouger de l’élève, on lui permet de se concentrer aussi sur les courts temps où vous le lui demandez et vous augmentez ses chances d’y arriver.
Je crois tout de même qu’il reste important d’apprendre le contrôle de soi. Dans la vie de tous les jours, il existe des moments où nous devons être capable de contrôler notre corps et d’aller contre nos « pulsions » de mouvement ou notre excitation. Il ne faut pas oublier non plus que le mouvement et l’agitation d’un élève peut nuire à la concentration et au bien-être d’un autre élève. Apprendre à tolérer l’autre, oui, mais aussi apprendre à respecter les besoins de calme de l’autre.
Chaque début d’après-midi, nous faisons un temps calme. En début d’année, nous apprenons ce qu’est le calme. Par exemple, nous croisons les bras, posons la tête dessus, cherchons une position confortable, puis nous prenons conscience, petit à petit, de tout ce qui peut bouger sans qu’on n’y prête attention habituellement (les pieds, les bras, les mains, les doigts, la tête, etc.). Nous avons aussi des moments où nous focalisons notre attention sur les bruits à l’intérieur de la classe, à l’extérieur, à l’intérieur de nous. Nous trouvons dans ces derniers des indicateurs de notre état selon ce que ces bruits nous inspirent (un brise, un volcan, une tempête, etc.). Il n’est pas question de culpabiliser l’enfant sur ce qu’il ressent mais plutôt d’accepter l’état dans lequel nous nous trouvons pour pouvoir avoir plus de prise dessus et sur ce que nous faisons. Un élève agité à l’intérieur, en revenant de la cantine par exemple, saura alors de lui-même qu’il devra être un peu plus vigilant que d’habitude. Rien que ça, ça aide à ce que ça se passe mieux en classe !
Ça peut sembler bien peu original, mais je ne supprime pas les récréations, même quand il pleut (tant pis pour mes oreilles et ma tête lorsqu’ils jouent sous le préau). Cette année, je fais aussi une courte récréation l’après-midi. Ça peut ressembler à une perte de temps, mais n’empêche que mes élèves me semblent beaucoup plus disponibles en classe. Qui plus est, ils savent que cette récréation n’est pas obligatoire et voient bien que nous sommes les seuls à sortir systématiquement. Du coup, ils comprennent bien quand je leur dis qu’en retour, j’attends d’eux qu’ils fassent des efforts en classe. Quand ils sont très agités, je ne vais pas supprimer la récréation, ce serait contre-productif. Au contraire, il peut m’arriver d’ajouter 5 minutes pour qu’ils se dépensent vraiment.
Enfin, il faut savoir que nos élèves font partie de cette génération « sur-stimulée », à qui on ne laisse pratiquement plus le temps de s’ennuyer. Cela participe à une agitation plus importante de tous en général. Cependant, à traiter tous les élèves comme s’ils étaient en situation de handicap, incapables de se contrôler, c’est aussi quelque part nier la difficulté réelle de ceux qui sont vraiment en peine de ce côté-là. Ces élèves qui ont un véritable trouble et qui, eux, on besoin d’adaptations supplémentaires et spécifiques. Là, évidemment, je conseille de consulter le RASED, la famille et de redoubler d’imagination pour aider l’élève non seulement à se sentir mieux mais aussi à progresser dans le contrôle de son corps.
Les troubles de l’attention
Attention à ne pas parler d’hyperactivité à tout bout de champ ! A force d’utiliser ce mot à tout va, je vois beaucoup de parents mais aussi de professionnels aller jusqu’à nier ou mettre en doute l’existence de ce problème chez ceux qui en souffre. L’hyperactivité est un trouble neurologique bien spécifique qui demande un diagnostic qui prend beaucoup de temps en général pour être posé. A force d’appeler « hyperactif » tout élève un peu agité ou peu concentré, les élèves qui en souffrent vraiment sont regardés comme des enfants mal-éduqués et tous, enfant comme famille, auront à souffrir du regard des autres.
On parle plus souvent d’un TDA : trouble déficitaire de l’attention. Cela dit, il y a aussi tout simplement ceux qui n’arrivent pas très bien à focaliser leur attention et à qui on n’a pas donné de petit nom ou pour lesquels aucun diagnostique n’a été posé.
Tous méritent un peu (ou beaucoup) de notre attention selon la gravité du trouble. S’il est important, il vaut mieux consulter le RASED et lancer la machine Gevasco pour, éventuellement, avoir le droit à une aide humaine.
Cela étant, parallèlement, j’aime travailler la concentration avec tous, car les besoins sont de plus en plus importants. Les matières comme la musique ou l’EPS sont de merveilleux outils. On concentre son attention sur des sons, on fait attention au chant des camarades pour suivre leur rythme, on exprime physiquement ce que l’on perçoit, on focalise son attention sur une cible à atteindre, on concentre son attention sur les mouvements de ses copains pour exécuter une chorégraphie tous ensemble, etc. Je pense aussi à l’anglais où il faut réussir à percevoir certains mots et témoigner de cette perception par un geste ou une carte. Certains jeux peuvent aussi aider ! Bref, je pense que la concentration se travaille au quotidien, de manière transversale et aussi explicitement que possible.
L’hypersensibilité ou la forte sensibilité
Concernant la sensibilité, on ne parle en général pas d’EBEP et je ne considère moi-même pas mes élèves sensibles comme EBEP, à moins d’un cas extrême. L’hypersensibilité est un véritable trouble. Cela dit, nous ne pouvons pas nous-mêmes le diagnostiquer et à moins que cette trop forte sensibilité présente un handicap vraiment lourd, on pourrait se questionner sur l’utilité d’un tel diagnostic. Par contre, hypersensibilité ou pas, si l’élève est sensible, c’est quelque chose qui devrait être respecté. Nous ne sommes pas maitres de nos émotions (surtout à cet âge) et, si celles-ci sont trop fortes, difficile d’en réprimer l’expression. Le travail que je mène en général se concentre sur la verbalisation : les mots sont un outils formidables qui peuvent remplacer les pleurs comme les poings.
Je demande en général à mes élèves de ne pas trop insister sur le « Pourquoi tu pleures ? » ou les « Maitreeeessse, machin pleure ! » à répétition. Je leur dis que je sais mais qu’il faut laisser à l’enfant concerné le temps de « digérer » son émotion, de se calmer et que l’élève viendra me voir (ou le voir) s’il a envie d’en parler. Je sensibilise donc l’ensemble de la classe sur l’importance de laisser aux autres le droit d’exprimer leurs émotions sans en devenir pour autant le centre de toutes les attentions, car ça n’aide généralement pas. Par contre, aucune émotion ne peut justifier d’empêcher les autres de travailler ou d’être violent avec eux. Un élève qui pleure bruyamment et en hurlant n’est pas quelque chose que je tolère. Au début, j’expliquerai, mais je pourrais aussi bien finir par me fâcher lorsque je vois qu’il y a de l’abus. Il ne s’agit pas non plus d’être laxiste ou permissif.
J’encourage aussi l’enfant concerné à parler, à exprimer ce qu’il a ressenti mais aussi ce qu’il a pensé de sa propre réaction. Certains élèves ont du mal à faire le tri entre le grave et le moins grave et cela peut provoquer des réactions disproportionnées. Sans lui dire « là tu ne devrais pas pleurer parce que ça n’en vaut pas la peine », je le laisse tirer ses propres conclusions car, une fois calmé, il parvient souvent de lui-même à graduer l’importance des « blessures » ressenties.
Attention, il ne s’agit pas de psychanalyser l’élève. Je l’écoute et je le laisse s’exprimer s’il en a besoin mais je n’en tire que le minimum de conclusions. Si je sens qu’il y a besoin de plus, dans ce cas, je consulte le RASED et notamment la psychologue scolaire pour savoir que faire. Je ne suis pas psychologue et ce n’est pas mon travail. A trop en faire, on risque aussi de perdre de vue notre mission première. Il s’agit ici simplement de permettre à l’élève sensible de gagner en sérénité pour favoriser ses apprentissages et sa vie en collectivité.
L’insécurité émotionnelle et affective ou le manque de confiance en soi
J’ai déjà beaucoup parlé du thème de l’insécurité émotionnelle dans mes articles « Conseils aux professeurs qui débutent » (partie « Stabilité et prédictibilité« ) et « Gérer les comportements » (partie « La sécurité affective« ). Comme vous l’aurez compris, résumer n’est pas mon point fort alors je pense que le mieux, c’est encore de lire ces deux sections d’articles qui en disent déjà beaucoup.
Par contre, un mot sur la confiance en soi. Il y a déjà un bon nombre d’années, les scientifiques ont prouvé que plus que la réussite scolaire, l’un des facteurs les plus importants de réussite et d’accomplissement de soi est la confiance en soi.
Si l’élève n’a pas confiance en lui, il faut nourrir cette confiance. Il faudrait donc réussir à le mettre en réussite le plus souvent possible (sans pour autant ne lui demander que ce qu’il sait déjà, sans quoi il n’apprendra rien). Je ne demande que ce que je pense qu’il peut réussir et je favorise l’évaluation positive, etc. Pour ces enfants, je n’hésite pas à leur témoigner toute ma confiance : « Tu vas y arriver, je le sais. Tu vas voir que tu peux me faire confiance là-dessus. » quand je suis sure de moi. Ainsi, petit à petit, il me fait confiance quand je lui fais confiance… et on glisse progressivement vers « il se fait confiance ». Ce n’est pas automatique évidemment !
Il faut parfois creuser un peu plus, comprendre d’où lui vient ce manque de confiance. Il y a parfois une année particulièrement difficile dans son passé, dont il a un très mauvais souvenir. Il y a parfois une parole qu’on a dite et qui l’a inquiété. L’idée, c’est de déconstruire tout ça pour lui permettre de se reconstruire en se faisant confiance.
De même, j’évite au possible ce qui est à apprendre par cœur, les procédures complexes à appliquer (sauf quand il n’y a pas le choix). Non seulement j’ai un grand nombre d’élèves qui n’apprennent pas à la maison, mais c’est aussi, pour moi, une façon de développer la conscience qu’ils savent déjà beaucoup faire ou comprendre. On peut le faire en sciences, en résolution de problèmes, en lecture mais aussi en conjugaison. Nous travaillons l’imparfait et nous avons vu que la terminaison avec « je » est « ais ». Mais si je leur mets le verbe « choisir », ils doivent alors lacher prise sur le « on enlève la terminaison de l’infinitif et on remplace » car ça ne veut plus rien dire (« je choiais »). Je leur dis alors de se faire confiance, d’écrire ce qu’ils entendent car ils savent parler français et ils ont les connaissances pour transcrire ce qu’ils disent en CE2 (notamment le « ss » qui peut poser problème). Ensuite, bien sûr, on institutionnalisera que certains verbes en IR prennent « iss » mais on l’aura construit ensemble. Ils ont donc dû lâcher prise, ne pas se crisper sur des histoire de « techniques », pour faire confiance en ce qu’ils savaient déjà et réussir.
Quelques ressources et lectures
L’école de l’inclusion : les protocoles
Sur Eduscol, on trouve des documents ressources pour mieux comprendre l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers. Le diagramme ci-dessous permet notamment de comprendre les quatre plans d’accompagnement existants. Ces plans se choisissent en fonction des besoins des élèves et de la source de leurs difficultés.
On trouve aussi des ressources pour mener des séances dédiées à la différence et à certains troubles spécifiques. Il est vrai qu’il peut être intéressant d’évoquer ces différences. L’inclusion, ce n’est pas juste donner le droit à une scolarité « classique » à tous les enfants. C’est aussi éduquer tous ces futurs citoyens à l’acceptation des différences.
Pour tous les dys
Aussi, le site « dys-positif.fr » me semble être une source d’information intéressante pour tous les troubles de type « dys ». Le site de la Fédération française des Dys ou encore le site « dysmoi.fr » peuvent aussi être intéressants.
La collection « 100 idées »
C’est ma collection préférée. Elle traite de nombreux thèmes de l’école (et pas que). Le principe : un thème ciblé et 100 idées sur le sujet. Parfois, on a le droit à une partie théorique parce qu’on ne peut pas toujours y échapper mais ce que je trouve vraiment génial dans cette collection, c’est qu’on y trouve des idées pratiques à mettre en oeuvre dans sa classe (et pas que).
Parfois, le livre ne s’adresse pas uniquement aux professeurs mais aussi à d’autres professionnels, aux familles, etc. Je me rappelle du livre sur les TDA qui était partagé en trois parties : pour l’enfant, pour la famille et pour l’enseignant. J’ai trouvé ce livre génial et il m’a clairement sauvé mon année à une époque !
Voici une sélection (non-exhaustive) :
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