Au moins pour un temps ? C’est le « défi » que je propose pour débuter cette année. Évidemment, ça ne veut pas dire qu’il ne faille rien faire du tout pour construire son cadre ou abandonner toutes les pratiques existantes en matière de gestion des comportements.
L’évolution de ma réflexion sur la question des systèmes de gestion des comportements
Quand j’ai débuté, les systèmes de gestion des comportements n’étaient de loin pas la règle. Je crois qu’il en existait déjà sur la blogosphère, donc chez quelques collègues, mais pas dans les écoles où je travaillais. J’étais moi-même assez satisfaite d’avoir eu l’idée de m’inspirer du travail des collègues de maternelle et de leurs affichages colorés que je trouvais parlant.
Depuis, et en quelques année seulement, ces systèmes sont plus ou moins devenus une norme dans bien des classes et on redécouvre sans cesse des dispositifs qui ne datent, en vérité, pas d’hier (ceintures, monnaie intérieure notamment). Par contre, l’usage qui en est fait s’éloigne parfois de l’idée initiale.
Des essais peu concluants
Ceux qui suivent le blog depuis quelques années auront peut-être aussi suivi l’évolution de ma réflexion sur le sujet. J’ai d’abord commencé par des choses assez (inutilement) compliquées et tout aussi inefficace. Je m’explique.
Lorsque j’utilisais un système de couleurs, avec des échelles plus ou moins détaillées, j’avais ponctuellement l’impression que ce système encourageait certains efforts, malheureusement presque toujours ponctuels. Puis, j’ai réalisé que c’est ce que je percevais car c’est ce que j’attendais. Dans les faits, le système avait rendu visible, parce que je les avais remarqués, des efforts réalisés par certains élèves. Je serais même tentée de parler d’efforts réalisés malgré ce système.
Ces systèmes, surtout ceux comprenant un affichage ou une trace écrite très fréquente, placent presque littéralement les élèves dans des cases. On sait aujourd’hui comme cette pratique a de très fortes chances de s’avérer contre-productive. Ce que j’ai surtout pu remarquer, en prenant du recul, c’est que ce système rendait les élèves « très sages » encore plus « sages » (pour ne pas dire « discrets » ou « dociles » parfois) – à la recherche d’une certaine reconnaissance peut-être (mais qu’ils n’obtenaient pas par le biais de ce système) – et décourageait les plus perturbateurs qui, finalement, acceptaient voire se conformait davantage à leur place dans le système quand ce n’était pas déjà le cas auparavant. Et ceux qui se situaient entre ces deux extrêmes ? Le système ne leur apportait pas grand chose, au mieux, ou les invisibilisait, au pire !
Vous êtes nombreux à m’avoir fait parvenir des témoignages allant en ce sens. En voici une que je trouve poignant et parlant, notamment pour que l’on puisse s’imaginer le ressenti des enfants et parents concernés :
Depuis longtemps, j’ai abandonné les systèmes de gestion de comportement (du style fleur avec les pétales coloriées en vert-orange-rouge). D’une part, je ne voyais aucun changement dans l’attitude de mes élèves, et d’autres part, ayant vécu le côté parent avec mon fils « turbulent», j’en garde de mauvais souvenir ! Dès la maternelle, ma première question portait sur la couleur de ladite fleur qui n’était jamais verte… et au bout de plusieurs années, la fleur étant toujours orange, je ne regardais même plus et signais le cahier en fin de semaine… Mon fils en fin de maternelle avait colorié en orange toutes les fleurs du mois en me disant qu il n y arriverait jamais…
Stéphanie
Pourquoi y a-t-il autant de systèmes alors ?
Ma réflexion sur le sujet n’engage que moi. Je pense qu’il peut potentiellement exister autant de motifs que de professeurs. Pour ma part, il s’agissait de « prendre le contrôle de la situation » ou du moins d’en avoir l’impression. Le système, par son côté régularisé, me donnait le sentiment d’être plus juste, plus impartiale, de n’oublier personne. C’était rassurant, surtout dans mes premières années.
J’ai persisté, quelques années, sans réussir à trouver LE système idéal : je trouvais toujours à redire, et je me désespérais de ne pas observer de progrès chez certains élèves. Cela dit, petit à petit, j’ai réalisé à quel point ma posture, les liens de confiances que je tissais avec mes élèves, l’étayage quotidien apporté par ma parole et mes actes, étaient autrement plus efficaces et pertinents !
J’ai vraiment compris, aussi, que ces élèves qui ne rentraient pas dans le « cadre », perturbateurs bien souvent, avaient les mêmes besoins que les autres, mais l’exprimaient avec plus de force, ou de violence parfois, là où les élèves dits « sages » taisaient bien souvent leurs besoins. Ces élèves m’ont invitée, sans le vouloir, à revoir ma façon de penser et d’être en classe.
Comment faire alors ?
La difficulté, c’est qu’une posture professionnelle ne se transmet pas directement. Chacun se construit la sienne en fonction de ses expériences, de ses connaissances, de ses croyances et du cadre institutionnel bien sûr.
Par contre, les éléments de réflexion qui la sous-tendent peuvent être communiqués, échangés, discutés. A partir de là, chacun peut se construire une posture professionnelle propre, parfois similaire et proche de certains collègues, mais possédant aussi ses singularités ; et faire les choix pédagogiques qui lui semblent le plus approprié.
Ma proposition pour cette année : se laisser le temps
L’idée serait de ne pas instaurer de système dès le premier jour, de se laisser un peu de temps pour évaluer les véritables besoins de la classe. La seconde idée serait d’impliquer, de manière « démocratique » et coopérative, les élèves dans l’établissement du mode de fonctionnement de la classe.
Alors oui, selon les habitudes des élèves, ils voudront peut-être établir un « système » (« Si on parle trois fois sans lever le doigt, on change de couleur et on a un mot » par exemple), mais il sera aussi possible de le faire évoluer tout au long de l’année en fonction des besoins et problèmes rencontrés. Peut-être qu’au départ, et malgré vos interventions, le mode de fonctionnement choisi par les élèves vous semblera peu judicieux, pertinent, efficace ou élégant mais vos élèves apprendront davantage de leurs essais-erreurs, du point de vue du comportement, que si vous imposez un système qui sera de toute façon imparfait et probablement très peu efficace lui aussi.
Et la stabilité du cadre dans tout ça ?
La stabilité, c’est vous qui l’apportez, tant par votre bienveillance que votre fermeté : c’est le credo de la « discipline positive » selon Jane Nelsen. L’une et l’autre, en même temps, pas tantôt l’une, tantôt l’autre.
Il n’est pas question de supprimer les systèmes de gestion des comportements et de ne rien changer d’autre. Travailler sur cette posture demande une réflexion en profondeur.
Un cadre serein, ça se construit
J’ai écrit ce livre en pensant à toutes les pratiques que j’ai rencontrées. J’ai essayé de proposer un cheminement en partant des habitudes les plus « traditionnelles » ou fréquentes pour vous aider à (re)définir vos propres pratiques. Évidemment, si vous avez déjà commencé à réfléchir, à vous éloigner de ces pratiques, vous devriez aussi, je l’espère, trouver des idées pour aller plus loin. Je ne m’arrête évidemment pas à la question des systèmes de gestion des comportements !
A quelques jours de la rentrée, que faire ?
C’est un peu tard pour tout changer, non ? Deux possibilités : la première, si vous n’avez pas encore de système abouti, est de laisser tomber cette idée et de préparer le reste. Pourquoi ne pas lire « Une rentrée sereine en élémentaire, ça se prépare » pour vous y aider ? (ou la version maternelle si vous y êtes)
La seconde, si vous ne vous sentez pas prêt.e ou si vous avez déjà passé du temps sur le sujet, est de garder votre système pour cette année, de réfléchir à le faire évoluer en impliquant les élèves éventuellement (Grace au conseil de classe, par exemple) ou de se donner cette année pour réfléchir, tout simplement. Honnêtement, c’est la solution la plus sûre : rien ne sert de se précipiter ! Les résultats ne seraient pas probants de toute façon.
Mon idée, avec cet article, ce n’est pas de vous mettre en difficulté (bien que changer ses pratiques soit souvent un peu difficile à un moment ou un autre), mais d’amorcer une reflexion et, qui sait, bénéficier de vos retours sur la question. N’hésitez donc pas à partager vos idées, vos expériences ou vos questionnements en commentaire et à échanger entre vous. Je suis sure que ces échanges pourront bénéficier à bien des lecteurs de cet article.
Quelques idées de dispositifs
Parce qu’il peut être inquiétant de partir sur une nouvelle année sans rien, Voici tout de même deux idées qui, si elles ne suffiront peut-être pas à révolutionner le climat de votre classe, peut vous apporter un support qui donne à réfléchir. Tous deux s’inscrivent dans une idée “d’évaluation positive” et peuvent être associées à une forme et différents degrés de responsabilisation des élèves.

Les ceintures de comportement
Il ne s’agit pas du système qui vise à sanctionner les mauvais comportements mais bien d’un dispositif global d’évaluation positive des acquis en matière de comportements. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre plus large de l’évaluation par ceintures. Pour en découvrir plus, je vous conseille le livre « Enseigner avec les pédagogies coopératives » de Sylvain Connac. Le livre “Coopérer, ça s’apprend“, du même auteur, est tout aussi intéressant.

Les brags tags
Depuis deux ans, on voit les brags tags se multiplier sur la toile, et notamment les réseaux sociaux. Il s’agit de rendre visible l’acquisition de compétences liées aux comportements par des petites cartes à collectionner (ou, comme Tablettes et Pirouettes, à valoriser des réussites). Cette fois-ci, à la différence des ceintures, il n’y a pas de progression pensée de façon linéaire avec des paliers à franchir.