Cartes à compter - la ferme

C’est donc en petite section que j’ai atterri pour la moitié de la semaine et c’est avec ces très jeunes élèves que je débute un travail sur la construction du nombre. Quelle opportunité ! Je m’étais déjà pas mal intéressée à la question de la numération en cycle 2 mais là, je suis aux tout premiers pas de mes élèves dans le domaine.

Comme nous avons travaillé sur le thème de la ferme et de ses animaux, je voulais reprendre celui-ci pour en faire un support d’apprentissage des nombres. Bien sûr, tout ne se fera pas sur des cartes. C’est trop « immatériel » pour être suffisant. Je vous expliquerai donc ce que j’ai en tête. Reste à tester tout ça. Vos retours seront les bienvenus eux-aussi.

Des idées à peaufiner 

Entre la théorie et la pratique, il y a souvent plus d’un pas à faire. Je tiens à préciser que je ne suis ni experte concernant la théorie de la construction du nombre en maternelle, ni très expérimentée avec de si jeunes élèves. Je n’ai pas non plus la moindre idée du temps que cela prendra sur l’année : je m’adapterai.

Et pourtant, je partage avec vous ! Il y a deux raisons à cela :

  • Même si mes idées ne s’avéraient pas très bonnes, les cartes elles-mêmes pourront surement vous être utiles.
  • Vous pourriez très bien m’aider en partageant votre expérience en commentaire de cet article. J’ai beaucoup à apprendre !

Bref, cet article sera à lire avec une bonne dose d’esprit critique. Il n’y aura pas de séquence à appliquer à la lettre (de toute façon, on n’applique jamais à la lettre).

Commencer par manipuler

Découvrir « le nombre de »

Un nombre, c’est une quantité. Cela dit, on ne peut pas réunir tout et n’importe quoi. Par exemple, je ne peux pas dire qu’une banane et un chat font deux. Si je demandais « deux quoi ? », l’élève ne saurait pas répondre. Par contre, une banane et encore une banane font deux bananes.  Une banane et une poire font deux fruits.

Donc si je veux travailler le nombre deux, on va d’abord l’ancrer dans le quotidien.

D’ailleurs, je le précise au cas où : on commencera par travailler le « un » avant le « deux ». Puis, travailler le « deux » sera l’occasion de revoir le « un ».

L’exemple de l’appel 

Par exemple, dans ma classe de petite section, les élèves prennent une carte avec leur prénom sur une petite table et viennent l’afficher en arrivant. Au moment de l’appel, je demande à un élève de chercher les cartes restantes. Voici le type d’échange que nous avons eu (M = maitresse, E = élève) :

  • M (Je montre les deux cartes.) : Qu’est-ce que Matteo nous a apporté ?
  • E : Des étiquettes ?
  • M : Où est-ce qu’il les a prises ?
  • E : Sur la table.
  • M (Je montre bien les deux cartes à nouveau.) : Oui. A qui sont ces étiquettes ?
  • E : A Sofia et Tom.
  • M (Je pose les cartes sur le côté.) : Très bien ! Mais pourquoi ne sont-elles pas affichées, ces étiquettes ?
  • E : Parce qu’ils ne sont pas là !
  • M : C’est vrai, ils sont absents. (Les cartes sont toujours posées à côté, les élèves n’y ont pas accès.) Qui sait me dire combien il y a d’absents aujourd’hui ? Combien j’ai d’étiquettes ici ? (Je tapote mon tas pour le désigner.)
  • E : Deux ! (D’autres répondent trois, un, quatre, etc.)
  • M : On va vérifier. (Je prends une carte.) Là, j’ai une carte, et là (je prends la deuxième), j’ai une autre carte. Ça fait une carte (je montre) et encore une carte (je montre) ce qui fait deux cartes (je rassemble). (Après avoir reformulé et fait reformuler certains élèves) Ça signifie qu’il y a combien d’élèves absents ?
  • E : Deux ! (Là, il n’y a plus d’erreurs.)
  • M : Très bien ! Tom est un élève absent et Sofia est une élève absente. Ça fait un élève et encore un élève donc deux élèves (en montrant avec les étiquettes). 

J’ai essayé de restituer nos échanges au mieux. Ils sont sans doute perfectibles. J’ai l’impression de parler beaucoup en ce début d’année. 

Ce sur quoi j’insiste vraiment beaucoup :

  • Le lien entre ces étiquettes et les absents pour que la situation ait du sens. Les élèves doivent savoir quel est le sujet de l’échange.
  • Bien associer la quantité à ce qu’elle dénombre (étiquettes, élèves). J’évite les pronoms (comme dans « Combien il y en a ? » ou « Il y en a… » que je ne dis pas).
  • Insister sur la construction de deux (« un et encore un » ou « un et j’ajoute un »).

Plus tard, j’ajouterai le dénombrement : « Un, deux, ça veut dire qu’il y en a deux en tout ». C’est l’idée que le dernier nombre qu’on dit représente le dernier élément et la collection. Mais je préfère ne pas multiplier les objectifs d’apprentissage. Je crains qu’introduire ce « comptage-numérotage » soit contreproductif. Je vous renvoie à cet article du blog Pierre Carrée pour plus d’informations à ce sujet.

D’autres exemples

Pour les anniversaires, pour la semaine du goût, on a déjà pas mal cuisiné. Et je me suis rendue compte que beaucoup de quantités étaient comprises entre un et trois (un pot de yaourt, deux verres de farine, trois carottes, etc.). C’est encore l’occasion de rappeler comment se construisent ces nombres.

On peut aussi en profiter quand on se met en rang : deux par deux. En EPS ou pour certaines activités, on est deux, on a deux objets (ou trois), etc. A chaque fois, je m’applique les trois principes cités précédemment.

Si vous avez d’autres exemples en tête, même s’ils ne vous semblent pas si importants, j’apprécierais de les lire en commentaire : ce serait très formateur !

Réunir des collections

Ce n’est pas tout d’observer et de verbaliser, encore faut-il passer à l’action pour éprouver et faire évoluer la représentation du nombre en cours de construction. Pour cela, je vais demander régulièrement aux élèves de réunir des collections.

Pour que ce soit un objectif central dans une tâche, je pense demander aux élèves de m’apporter deux choses et de me dire « J’ai apporté deux stylos. » par exemple. Pour réussir, il faudra respecter les critères suivants :

  • La quantité est bien « deux » (ou trois).
  • L’élève est capable de dénommer ces deux choses avec un seul nom.

On pourra essayer de présenter des « collections impossibles » si aucun élève ne fait d’erreurs pour éprouver leurs choix. On pourra aussi en présenter des plus originale : une poupée et un camion font deux jouets. Cela pourrait les inciter à réunir des collections un peu moins évidentes (mais aussi à utiliser un terme générique).

Bien sûr, tout cela pourra être renforcé à chaque occasion : quand il faut choisir deux couleurs, deux feutres, deux tampons, deux formes, deux jeux, etc. Cela dit, dans ce cas, on donne déjà le nom de ce que l’on attend. On se retrouve plus dans une situations de compréhension. On pourra tout de même en profiter pour faire un rappel.

Utiliser les cartes à compter

Ce n’est qu’après avoir travaillé tout ça que je compte introduire mes cartes pour dénombrer. Avant de les utiliser seules, je vais d’abord les utiliser pour mener à des manipulations. Ensuite, nous utiliserons les cartes seules pour travailler différentes représentations du nombre.

Mon but va être de réussir à passer du « nombre de » au « nombre ». J’en parlais déjà dans mon article sur la construction du nombre au cycle 2.

Tant que je ne le précise pas, je n’utilise pas les cartes « constellations ». Je les utiliserai vers la fin. Au début, j’utilise la carte avec le petit paysage de ferme. Les cartes avec les constellations viendront plus tard.

Réunir des collections grâce aux cartes

Entrainement classique en maternelle : on donne une quantité et les élèves doivent réunir une collection qui représente cette quantité. On en a parlé précédemment. Seulement cette fois, au lieu de dire le nombre, on va rendre les choses un peu plus compliquées : je vais montrer une carte.

Deux possibilités :

  • Je laisse la carte à l’élève : il peut fonctionner par appariement. Pour chaque unité sur la carte (animal), il va pouvoir prendre un objet. De cette façon, j’espère lui faire réaliser que « un », ce n’est pas forcément une vache, mais ça peut aussi être un chien ou un crayon. 
  • Je ne laisse pas la carte à l’élève : il est obligé de dénombrer puis de mémoriser le nombre trouvé.

Par exemple, je peux montrer une carte avec deux vaches et demander à l’élève de m’apporter « autant de feutres qu’il y a de vaches ». Si je laisse l’élève garder la carte, il va pouvoir fonctionner par association : « JE vois une vache, je prends un feutre, je vois une autre vache, je prends un autre feutre ». Par contre, si je lui demande de mémoriser la quantité et si je garde la carte, l’élève va devoir définir combien il y a de vaches puis aller chercher les deux feutres. 

Il existe tout de même un risque que l’élève compte (fonctionne par comptage-numérotage) mais ne dénombre pas. Il est aussi possible de ne pas remarquer que l’élève n’a pas du tout construit la notion de nombre parce qu’ils pourrait réussir sans dénombrer. Je vous conseille ce très bon article du blog Pierre Carrée qui présente un exemple, des hypothèses d’analyse et des pistes de remédiation. 

Associer des collections avec les bonnes cartes

On peut aussi fonctionner en sens inverse. Dans ce cas, je pense préciser que la carte sert à définir une quantité. S’il y a trois canards, la carte dit « trois ». Je propose des collections d’objets et différentes cartes présentant différentes quantités : il faut choisir la bonne carte, de sorte qu’il y ait autant d’objets que d’animaux.

Si on laisse la carte, comme précédemment, l’élève peut fonctionner par appariement. Cela dit, ça peut être l’occasion de revoir le nombre et le sens donné à ces cartes : « une chèvre » représente le nombre « un ». 

Si je donne trois crayons de couleur à un élève et que je lui demande de choisir entre les cartes « un cochon », « deux poules », « trois poussins » et « trois coqs », l’élève pourrait choisir « trois poussins », par exemple. Dans ce cas, je peux lui suggérer la carte « trois coqs » : « Et celle-ci, est-ce qu’elle pourrait aller aussi ? ». 

Par contre, si on ne laisse pas la carte, c’est plus ou moins le même exercice que précédemment. L’élève peut compter le nombre d’objets puis mémoriser le nombre pour chercher la bonne carte.

Quoiqu’il en soit, s’agissant de ces deux exercices ou des précédents, il me semble essentiel de faire verbaliser les élèves concernant leurs stratégies. Sans cela, aucune garantie que l’élève ait bien compris ce qu’il faisait et ce qu’on espère lui faire découvrir. Plus que jamais, à cet âge, il me semble important de prendre le temps !

Classer les cartes

Maintenant que les élèves connaissent bien les cartes, on peut essayer de les utiliser seules. Je pensais leur proposer de faire des groupes à partir d’une sélection de cartes. Sans doute, dans un premier temps, auront-ils envie de réunir les cartes par animaux : les vaches avec les vaches, les chats avec les chats, etc.

Cela dit, je compte les encourager : « Est-ce que je peux mettre la carte « deux vaches » avec la carte « deux chats » ? Pourquoi ? ». Mon but est de leur faire réaliser qu’il y a « deux » sur chaque carte, ou plutôt de renforcer cette prise de conscience qui peut déjà avoir eu lieu précédemment. 

Introduire les constellations

Pour les cartes de base, on est au point. On va attaquer les représentations stéréotypées. Je pars sur des constellations en « dés » avec des jetons. J’ai une préférence pour la représentation « comme Dédé » de la méthode « J’apprends les maths avec Picbille » (mais je vous proposerai la version « authentique », comme de vrais dés, aussi). 

Il va donc falloir associer les cartes qui ont les mêmes quantités, dans les deux versions. 

Ensuite, on va pouvoir sortir des jetons. On place un jeton sur chaque animal : la constellation de points apparait. On va désormais pouvoir utiliser cette représentation avec des points pour symboliser le nombre associé, au même titre que l’écriture chiffrée. 

Des ateliers autonomes

Bon, à partir de là, je pense que j’aurai quand même eu pas mal de temps pour m’assurer que, tout au long des activités, les élèves ont bien compris ce dont on parlait. Je ne sais pas si j’attendrai la fin de toutes ces activités ou si je lancerai des ateliers autonomes au fur et à mesure car j’attendrai de savoir mes élèves prêts.

Une fois qu’on aura bien travaillé avec ces cartes, on pourra leur proposer de reproduire certaines activités de manière autonome mais on pourra aussi passer aux classiques boites à compter, par exemple.

Les ateliers autonomes pourraient être l’objet d’un nouvel article alors je ne vais pas m’étendre ici, d’autant que je n’ai encore rien testé. Tous n’impliqueront pas les cartes que je vous propose ici de toute façon.

Les fichiers

Pour ces deux jeux de cartes, j’imprime les cartes en recto-verso sur du papier épais, je les plastifie puis les découpe. J’arrondis les angles pour augmenter la durée de vie de mes cartes.

Les cartes « paysages »

Le premier jeu de cartes permet de travailler les quantités grâce aux animaux de la ferme, représentés devant une grange. Leur disposition est variable.

Cartes à compter - 1 à 3 - la ferme

Les cartes « constellations »

Cette fois-ci, la disposition des animaux respecte une disposition précise. J’utilise les constellations « comme Dédé » de la méthode « J’apprends les maths avec Picbille » mais je crois que certains utilisent les dés classiques. J’ai donc réalisé les deux séries de cartes. 

Si vous voulez savoir pourquoi je préfère les constellations « comme Dédé », je vous conseille la lecture de mon article « La construction du nombre au cycle 2« .

Les constellations comme Dédé

Les constellations comme Dédé sont particulièrement adaptées aux nombres inférieurs à 10 et, a fortiori, aux nombres inférieurs à 5. Chaque nombre est représenté en reprenant la représentation du précédent et en y ajoutant une unité (un jeton). 

Mes cartes suivront donc cette évolution :

Constellations de dés comme Dédé
Les nombres de 1 à 5 représentés comme Dédé
Cartes à compter - 1 à 3 - la ferme - Dédé

Les constellations authentiques

Peut-être avez vous l’habitude d’utiliser les constellations authentiques des dés habituels. J’avoue ne pas y voir d’autre intérêt que celui de connecter les nombres aux représentations quotidiennes qu’on en a. 

Les représentations des nombres de 1 à 5 sur des dés authentiques
Cartes à compter - 1 à 3 - la ferme - dés

Les images des cartes proviennent du site freepik.com.

4 réflexions sur “Des cartes à compter pour dénombrer de 1 à 3”

  1. Encore un grand merci pour le travail que tu mets à disposition de tous. Les réflexions sont toujours fouillées et les supports splendides.

    1. Merci beaucoup pour ton commentaire ! J’avoue que pour cet article, je suis en manque de retours. Je ne suis pas experte en maternelle et ça me rassurerait 😛 . Ton commentaire est le bienvenu du coup !

  2. Top les fichiers… Suis certaines que mes petits élèves vont adorer 😉encore merci de partager ce magnifique boulot

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