Un élève contrarié, provocateur ou en opposition.

Cet article est un complément traitant d’une difficulté particulière parmi toutes celles potentiellement rencontrées et listées dans mon article Elèves à besoins éducatifs particuliers.

Ça a été ma première véritable et grande claque à mon entrée dans le métier : mais où est passé le respect ? C’est la question que je me suis vite posée. Il ne suffit pas de demander (ou d’ordonner) pour qu’un élève fasse. Il ne suffit pas d’avoir un master et un concours en poche et même de l’expérience avec les enfants, pour être obéi, pour être respecté ou pour être écouté. Rien, absolument rien, de ce que j’avais appris jusque là en formation, ne m’avait préparée à ce choc ! Les élèves peuvent dire « non ». Pire, certains le font avec plaisir. Certains s’en délectent et d’autres semblent s’être véritablement lancés dans une guerre contre nous, visant à nous pousser dans nos retranchements…

Alors, bien encadrée que j’étais en tant que PES, on m’a dit « Mais non… ce n’est pas ça ! ». Seulement moi, je fais partie de ces apprenants (pénibles, hm ?) qui n’arrivent pas à intégrer une « vérité » s’ils ne la comprennent pas un peu plus en profondeur. Sinon, je fais comme un blocage. Je ne suis pas la seule, n’est-ce pas ? Alors, j’ai décidé de partager un peu de ce que j’ai pu découvrir et expérimenter sur le sujet depuis. Le fait est que, l’an prochain, je risque d’avoir un peu plus de ces élèves avec des tendances fortes d’opposition et de provocation. Cet été me semble être le moment idéal pour faire le point.

C’est peut-être le premier conseil que je pourrais donner : quand on sait qu’on va être confronté à cette situation, ou quand on sent que c’est déjà le cas, il est bon de prendre de la distance et d’analyser la situation. Ensuite, faire le point sur les compétences à mettre en avant ou à (re)travailler pour faire face le plus efficacement possible. Car oui, notre but ne va pas être de transformer l’élève en ce qu’il n’est pas. Il ne s’agit pas non-plus d’entrer « en guerre » pour « gagner ». Notre but va être, il me semble, de réussir à faire classe et, si on y arrive, de faire entrer ce ou ces élèves dans les apprentissages. On peut d’ores et déjà ranger nos éventuels excès de fierté dans un tiroir, ce n’est pas ça qui va nous tirer d’affaire, au contraire.

En éducation, on a tendance à enfermer les enfants dans des cases, notamment dans celles du genre, du milieu social ou encore du trouble. Pourtant, rien n’est jamais aussi simpliste. Il s’agit d’une personnalité propre, d’un individu singulier, unique, qu’il vaut mieux éviter d’enfermer dans quelque moule ou case que ce soit. Aussi, bien que j’utilise les expressions « élève provocateur » ou « élève en opposition », je tiens vraiment à rappeler que je ne souhaite pas réduire l’enfant à ce trouble du comportement. Je n’évoque, ici, qu’un aspect parmi tant d’autres, qui peut constituer la personnalité d’un élève et qui ne demande qu’à évoluer. Dans votre pratique, je vous invite à ne pas vous y limiter !

La posture et les signaux qu’on envoie

Mon but ne va pas être d’analyser toutes les difficultés potentielles qui peuvent mener un élève a se réfugier dans l’opposition ou la provocation. Le fait est qu’il y en a de nombreuses et que je ne me vois pas tenter d’en faire une liste exhaustive. J’échouerais sans doute. Ce serait un long travail de recherche à mener. Et au fond, je crois que ce qui rend plus difficile la confrontation avec ces élèves, c’est qu’ils nous renvoient sans cesse à nos propres limites, à nos propres insuffisances. C’est en général leur mode de fonctionnement : leur frustration, leur inquiétude, leur insécurité, ils nous la font ressentir à nous, comme un miroir !

A nous de garder la tête froide et de ne pas nous laisser dominer par la panique qui pourrait nous envahir. Nous allons réussir à apaiser tout cela et nous allons prendre la situation en main. Nous sommes des adultes lucides, nous sommes des professionnels. Ne doutons jamais de cela ! A la place, adoptons une posture qui permettra de témoigner de cette assurance et de cette maitrise. Et qui sait, peut-être que cet élève arrivera à s’imprégner de ce calme que nous lui renvoyons ?

Posture professionnelle

Calme, maitrise et confiance en soi

Alors oui, on est bien d’accord que souvent, c’est la panique à bord ! Notre cœur s’accélère, notre cerveau s’agite et notre sang bouillonne… difficile alors de faire preuve de calme. Pourtant, c’est essentiel. Certains élèves en opposition sont en fait très peu rassurés voire carrément affolés lorsqu’ils sont en classe. Les apprentissages, l’école, la relation aux pairs ou aux adultes peuvent être autant de motifs d’insécurité. Pour se protéger d’éventuelles blessures ou pour reprendre le contrôle de la situation, il pourra être tenté de faire la seule chose qu’il est sûr de réussir : mettre le bazar et, par là même, nous faire sortir de nos gonds ! Et au moment où nous nous mettrons à crier, hurler, punir, le visage rouge de colère et les bras qui s’agitent : il sera alors apparemment soulagé de découvrir que le monde n’a pas cessé de tourner. Tout fonctionne comme cela a toujours fonctionné.

Ouf ? Pas tellement en fait. Je crois qu’au fond, beaucoup seront véritablement soulagés quand ils réaliseront que le monde peut tourner autrement, que leur vie peut ressembler à autre chose qu’à une succession d’affrontements. Cela dit, ne vous attendez pas à un apaisement immédiat. En fait, de ce que j’ai observé, l’élève est d’abord déstabilisé face à notre calme apparent. Lorsqu’il verra qu’il ne nous mènera pas là où il le souhaite, il peut lui arriver d’être perplexe. D’autres fois, certains essayent de pousser le bouchon un peu plus loin. Il m’est arrivé que des élèves s’échappent de la classe, que d’autres fassent tomber du mobilier ou jettent des choses. Je ne dis pas qu’il faut ignorer tout cela mais, quoiqu’on dise, le dire calmement avec une assurance visible, sans agressivité bien sûr.

Petit à petit, ils finissent par se questionner : où ce maitre (cette maitresse) veut-il (elle) me mener ? Certains essayeront de vous montrer qu’ils vous ont compris, qu’ils ont vu clair à travers votre « petit jeu », prédiront vos intentions. Ne laissez rien paraitre, ne vous laissez pas déstabiliser et n’y voyez pas votre défaite. Il pourra prétendre que ça ne marchera jamais, mais en vérité, il nous donne un indice : nous avons probablement commencé à réussir. Il a commencé à réfléchir un peu plus loin que d’habitude, il a commencé à essayer de comprendre. Au lieu de toujours répéter les mêmes schémas, il est contraint d’accepter de modifier ses habitudes. Bien sûr, ça ne suffira pas et le chemin sera encore long. Je préfère cependant y voir un signe encourageant et poursuivre plutôt que de paniquer.

Eviter la confrontation

Pour que ce calme puisse devenir contagieux, il va falloir faire preuve d’ingéniosité. Ce calme que nous allons essayer de nourrir en nous devrait nous permettre de réfléchir plus lucidement mais aussi plus rapidement. Avec un élève en opposition, on marche sur des œufs la plupart du temps. Inutile d’essayer d’obtenir quoique ce soit si ce n’est du calme pour commencer. Pour cela, il va falloir faire baisser la tension. Il va souvent falloir faire l’anguille, esquiver les pentes glissantes, jouer à l’équilibriste sur un fil et parfois, habilement détourner l’attention !

Dans un premier temps, on peut simplement évoquer ce qui ne va pas quand l’élève ne respecte pas une règle mais temporiser : « On en reparlera plus tard. » Ensuite, il est important d’éviter de lui tendre des perches : on n’ordonne rien, on ne va pas vers du frontal, mais on tient bon. « J’entends ton énervement ou ta colère mais je ne pourrai t’aider que si tu t’exprimes calmement. » à la place de « Tais-toi maintenant et assieds-toi ! ». Il faudra parfois répéter plusieurs fois mais avec la première formule, on a toujours plus de chance de succès qu’avec la deuxième, qui ne fera que conforter l’élève dans cette idée que nous sommes son opposant, son ennemi, celui contre qui il doit gagner et ne rien lâcher.

De même, il vaut mieux garder une certaine souplesse dans nos requêtes. Si je dis « Assieds-toi correctement, le dos droit, les jambes devant et les bras croisés. », il y a fort à parier qu’il tentera d’enfreindre au moins une des consignes données. Si je dis « J’aimerais que tu te calmes à ta place. », on laisse des interprétations possibles : debout ou assis ? Bien assis ou avachi ? Attentif ou rêveur ? Bref, il aura une marge de manœuvre qui lui permettra de ne pas perdre la face, d’être à son aise, sans être en opposition avec notre demande.

Autre solution : parfois, on évitera la crise en détournant son attention : confier une mission, changement d’activité, de rythme, de place, etc. Autant d’astuces que je pourrai évoquer plus tard. L’idée, c’est qu’il est préférable de prévenir que de guérir car plus on va loin dans une crise, plus il est dur d’en revenir.

Souci de la justice

Dans mon article sur la gestion des comportements, je disais qu’il était essentiel de relativiser la question de la justice. Nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas infaillibles. Sauf que ça, c’est précisément un point que beaucoup d’élèves en opposition ont du mal à entendre. En fait, ils ont souvent l’impression qu’on s’acharne sur eux, qu’on ne leur laisse jamais droit à la parole ou qu’on les punit exagérément.

Cela dit, il ne s’agit pas de moins le punir car c’est au fond ce que certains espèrent en en appelant à notre culpabilité. Ils risque de glisser vers l’extrême inverse : chercher l’injustice en leur faveur comme un témoignage de notre affection. Pourtant, ça ne réglera pas le problème, loin de là ! Pire, il pourrait chercher à multiplier les situations où nous prenons son parti. D’autres élèves pourraient exprimer leur mécontentement avec plus ou moins de virulence, à force.

Je veille donc à ne jamais entrer dans ce jeu. J’explicite tout ce que je fais et pourquoi je le fais. Je n’en appelle pas au situationnel mais bien à une démarche, toujours la même, que je suis à chaque fois en cas de conflit. Chacun aura droit à la parole, l’un après l’autre. Chacun devra d’abord parler de ce que lui-même a fait, et je m’intéresserai ensuite au pourquoi. Chacun sera écouté, respecté dans son droit à la parole et je ne m’appuierai que sur des certitudes : des faits, non pas des suppositions (en général basées sur des a priori, la pire chose à faire avec ces élèves car ça ne joue pas souvent en leur faveur !).

Assez récemment, j’ai dû régler un conflit entre deux élèves d’une autre classe, dont un régulièrement en opposition (et très souvent puni en général). Il avait subi une moquerie et, à vrai dire, je ne doutais pas de la véracité de son accusation. Cela étant, je lui ai dit que je voulais entendre l’élève accusé et que nous discutions tous les trois. Il n’a pas accepté que je ne punisse pas d’office, considérant que lui-même n’a pas droit à la parole ou à l’écoute, la plupart du temps. Il s’est enfuit ! Lorsqu’il est revenu, nous avons discuté avec les deux élèves. L’accusé a avoué, il s’est excusé, engagé à ne plus recommencer et les deux se sont serré la main. J’ai dû expliquer ma façon de fonctionner au premier élève, et lui assurer que ça aurait été pareil dans l’autre sens. Rassuré, il a pu se mettre au travail et s’est apaisé après avoir digéré ces nouvelles informations.

Eviter les élèves-témoins

Le lien social qu’entretiennent les élèves entre eux est un des piliers de leur bien-être à l’école. Pour ces élèves en opposition, c’est plutôt, assez souvent, l’un de leur mal-être. De ce fait, en cas de différend entre deux élèves, je le règle uniquement avec ces deux élèves. En cas de manquement aux règles, seul le concerné est amené à discuter avec moi. En clair, je n’appelle aucun témoin à la barre. D’abord parce que, lors d’un conflit, chacun est tenté de prendre le parti de son ami. Certains jugent même qu’il est intolérable qu’un ami ne mente pas en leur faveur : c’est comme une trahison ! Donc, l’élève devra soit mentir, ce qui posera problème, soit ne pas le faire, ce qui lui posera aussi problème : quel intérêt ?

De plus, du point de vue de l’élève habituellement perturbateur, les témoignages sont rarement en leur faveur (à tort ou à raison). Ceux-là se sentiront alors d’autant plus rejetés. Même si nous aurons le sentiment d’avoir réglé le problème, nous n’aurons fait que l’aggraver sur le long terme. L’autre possibilité est que les témoins mentent en sa faveur ou l’encouragent. Comment espérer, alors, une amélioration de son comportement ?

Enfin, quelle que soit la situation, le fait d’autoriser la présence d’autres élèves ou d’inviter des témoins ne ferait que conforter l’élève dans son souci de la mise en scène. Il se donne en spectacle et ses spectateurs sont là pour l’acclamer (ou lui jeter des tomates trop mures). Une bonne façon d’éviter de régler le problème à la source.

Si vraiment, je n’ai pas le choix, je mène mon enquête discrètement, hors de la vue des autres élèves, afin de découvrir la vérité. Je réglerai alors le problème de manière différée.

Le langage corporel et verbal

Le corps et l’attitude

Je l’ai déjà dit : rester calme en toute situation. Pour le montrer, cela va passer par le corps avant tout. Quand on s’énerve, on a tendance à rentrer la tête dans les épaules, à se crisper, à serrer les poings. Ce sont autant de signes qui vont signaler à notre élève en opposition qu’il est en train de prendre le dessus car nous perdons le contrôle de la situation. Il va alors falloir travailler son attitude corporelle. Certains commerciaux ont, au sein de leur formation, une situation difficile à vivre : le formateur va essayer de les pousser à bout, d’appuyer là où ça fait mal. Certains étudiants vont jusqu’à pleurer et doivent s’y essayer à plusieurs fois avant de réussir à se composer un masque de calme impénétrable.

Sans aller jusque là, on peut essayer de s’entrainer avec un proche. D’autres conseillent d’essayer en repas entre amis : utiliser son masque de calme lors d’une discussion puis leur demander ce qu’ils ont ressenti. Bref, il ne faut pas croire que les enseignants qui y arrivent ont eu cette capacité de façon innée. S’ils ne l’ont pas entrainée de manière explicite auprès de proches ou lors de formation, ils l’ont entrainée en classe. Et cela est surement passé par quelques échecs. Je ne dis pas que le monde entier doit devenir un cobaye mais sachez que ça ne viendra en tout cas probablement pas du premier coup ! Moi-même j’ai eu mes ratés avec mes élèves. Cela dit, j’ai eu la « chance » d’être en situation d’entrainement intensif dès mes premières années !

Autre chose que j’ai remarquée : notre posture au quotidien. Avant d’être professeur, j’étais plutôt le profil « adossée au mur, mains dans les poches », vous voyez bien, l’ado qui a un peu de mal à grandir. Et encore parfois, mais rarement, j’ai cette posture au travail. Sauf que maintenant, c’est un message que je contrôle : c’est que je suis dans une phase « cool », et les élèves savent comprendre ce message. Mais si je fais classe, si je demande le calme ou veut un rang, alors je suis droite, ma posture est ferme. Quant à cette posture « cool », je ne l’ai que dans certaines situations rares et certainement pas en début d’année. A ce moment critique, je pose le cadre. Ce n’est que plus tard qu’il m’arrive de faire des écarts (et de plus en plus si ça se passe bien, ou peu quand ça reste difficile).

Seulement, avec l’élève en opposition, il va falloir redoubler de vigilance. Le dos un peu courbé, le regard tombant, la fatigue lisible sur le visage, sont autant de signes d’une potentielle faiblesse à exploiter. Alors même si c’est dur, il va falloir s’efforcer d’avoir l’air solide ! Oh, je ne dis pas que ma posture est la référence. Il faut aussi pouvoir être à l’aise avec l’image qu’on renvoie. C’est encore quelque chose qu’on peut travailler devant un miroir ! A vous de trouver la posture corporelle qui va vous sembler la plus en accord avec vous-même et l’image que vous voulez renvoyer.

Le regard

Le jeu du regard est tout aussi important. L’idée est globalement la même : calme, assuré mais aussi bienveillant. C’est un outil essentiel. Par exemple, je peux réprimander sévèrement un élève et, discrètement, lancer un petit regard rassurant à un autre élève peut-être plus sensible, pour qu’il n’emmagasine pas une tension inutile (et qui ne lui est pas destinée). De la même façon, je vais devoir être capable de changer de regard rapidement, selon ce que nécessite la situation.

Notre regard ne devrait pas cesser de balayer la classe, même lorsqu’on est en train d’aider un seul élève. C’est le témoignage de notre attention. Un élève provocateur va souvent chercher à attirer notre regard et s’attendra à y voir de la colère, de l’agacement ou encore du dédain par exemple. Il va chercher, dans notre regard, le reflet de notre état profond et réel. Alors, il vaut mieux que ce regard ne laisse passer que ce que l’on souhaite laisser voir. Ils sont souvent très doués pour nous percer à jour, dans une certaine mesure, et c’est peut-être ce qui les rend si difficile à canaliser. Ils nous imposent d’abord un travail sur nous.

Attention toutefois :

  • Un regard trop dur ou trop insistant pourra être interprété comme un « appel au défi ».
  • Un regard trop fuyant pourra être perçu comme un signe de faiblesse.
  • Un regard absent, qui ne voit rien, comme la porte ouverte à toutes sortes de choses.

Il va donc falloir être capable de montrer qu’on a vu, sans s’énerver, éventuellement qu’on désapprouve d’un signe de tête, sans pour autant faire pression du regard. Cette dernière attitude nous place dans un rapport d’opposition frontale et l’élève ne voudra plus mettre à terme son comportement car il y verrait une défaite. Si on veut retrouver le calme, je pense préférable de ménager des portes de sorties où l’élève, comme nous, s’en sortira la tête haute.

La proximité et le contact

Comme avec le regard, notre distance à l’élève dont il est question est un outil. En s’approchant, on témoigne subtilement notre intérêt mais aussi de notre potentielle promptitude à réagir. Cependant, à s’approchant trop, on peut aussi donner l’impression qu’on cherche l’opposition nous-même ou qu’on entre dans le jeu de l’élève provocateur. Tous les enfants ne sont pas égaux : certains s’apaiseront au contact de votre main sur leur épaule, d’autres ne le supporteront absolument pas et pourraient même exploser. Et tout cela peut évoluer au courant de l’année.

Il y a quelques années, j’avais un élève avec un TDA. Une main sur son épaule l’apaisait à condition qu’on ne soit pas vraiment en situation de crise et que ce soit fait assez tôt. Sinon, c’était un excellent prétexte à un nouvel éclat. Un autre élève, que j’aurai l’année prochaine, ne supporte pas le contact physique. Il est vécu comme oppressant et c’est sans doute, pour lui, une intrusion violente dans son espace intime. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est probablement pas une question de choix, de réactions raisonnées mais plutôt un mécanisme de défense, un réflexe.

Bref, si la distance physique que nous avons avec l’élève est un outil à ne pas négliger, c’est aussi quelque chose à tester : chaque enfant fonctionnera différemment. Faites des contrôles visuels réguliers quant à l’effet de votre proximité physique croissante sur son agitation ou son calme avant de pouvoir en faire un levier vraiment efficace !

L’humour

L’humour est à double tranchant. Souvent, on nous disait dans les IUFM, et surement dans les ESPE maintenant, que les enfants n’ont pas d’humour. Il ne faudrait surtout pas en user, d’après certains formateurs. C’est une demi-vérité, voire moins que ça ! Tout d’abord, les élèves comprennent très bien ce qu’on leur explique. Par exemple, avec des CP, je leur ai expliqué l’ironie : si je dis quelque chose de tellement loufoque que ça ne peut pas être vrai, c’est que c’est surement faux et donc que c’était un trait d’humour. Alors oui, j’ai fait de l’ironie très marquée, pour que ce soit bien clair. J’y voyais un effet secondaire intéressant : je les force à faire preuve d’esprit critique sur tout ce que je dis pour ne pas tout « gober » bêtement.

Cela dit, un humour particulier pose problème : celui qui nécessite de l’autodérision. A partir du moment où l’ironie ou toute autre forme d’humour nécessite que l’élève arrive à faire preuve d’autodérision, on est sur une pente glissante. L’autodérision nécessite une image de soi positive et stable, ce qui est rare chez les jeunes enfants qui se questionnent beaucoup. Pour eux, la question de l’attachement et de l’image qu’ils renvoient est au cœur de bien des préoccupations. Alors, dans le doute, mieux vaut éviter !

Quoiqu’il en soit, je ne l’utilise surtout pas avec des élèves en opposition et en général pas même devant eux. Ces élèves sont en général très fragiles sous leurs apparences de grands « costauds » prêts à tout encaisser. C’est un genre qu’ils se donnent souvent, mais loin de représenter leur sensibilité. Ce type d’humour serait un outrage direct et, même s’il ne lui est pas adressé, pourrait lui être insupportable tant il nous trouverait méchante ou agressive envers un autre. Eh oui ! Les élèves en opposition ou provocateurs sont aussi, très souvent, loin d’être nombrilistes et ne le sont en tout cas pas en toute occasion.

Par contre, l’humour peut aussi être un outil. Si on l’utilise avec tact, il peut détourner l’attention d’un problème qui tracasse l’élève. On peut se moquer un peu de soi-même (mais pas trop), on peut parler de tout à fait autre chose ou alors on peut, par cet humour, le mettre en valeur. Là encore, il faudra apprendre à connaitre notre élève avant d’espérer utiliser l’humour. Observons comment il réagit à nos blagues anodines, puis nos blagues avec un autre élève : semble-t-il vouloir partager ce genre de lien avec nous ou désapprouver ? Pourquoi ? Ce sont des indices précieux !

Anticiper pour éviter les débordements

Réguler l’espace de la classe

La préparation géographique de la classe

Le plan de classe

C’est notre premier outil pour éviter les problèmes et débordements ! La classe doit être pensée pour permettre les apprentissages. Or, l’élève en opposition est sans doute l’un des facteurs qui a le plus de chance de perturber les apprentissages. Donc, lorsque je prépare mon plan de classe, je veille d’abord à le positionner à un endroit où il aura le moins de prise sur l’ambiance de classe.

Le mettre au fond n’est pas forcément une bonne idée : il sentira qu’on ne le surveille pas tant et qu’il a les coudés franches dans ses projets. Le mettre au premier rang n’est pas nécessairement mieux : d’abord, il se sentira sans doute catalogué dès le début de l’année. Une bonne excuse pour confirmer sa réputation. Ensuite, on risque de ne voir que lui, nous empêchant d’avoir un œil sur l’ensemble de la classe. Enfin, un « excès » d’attention à son égard pourrait le convaincre de poursuivre dans ses comportements perturbateurs.

Il faut aussi penser à son comportement de manière plus précise : Est-il du genre à déranger ses voisins ? Bouge-t-il beaucoup mais sans jamais s’éloigner de sa chaise ? Est-il susceptible de prendre la fuite ? Risque-t-il de fouiller sur votre bureau ? Y a-t-il des élèves qu’il ne supporte absolument pas ? D’autres qui pourraient le provoquer ? Plus positivement, je me questionne aussi sur les élèves qui seraient susceptibles de faire preuve de patience, de gentillesse et qui ne l’encourageraient pas dans ses comportements problématiques. Parfois, le bon voisin fait toute la différence ! Il faut parfois du temps pour le trouver mais certains duo fonctionnent à merveille ensuite. Il ne faut pas hésiter à demander aux collègues qui ont précédé, elles sauront peut-être nous aiguiller.

Pour les élèves vraiment problématiques, je vais jusqu’à créer une « ceinture de bons amis ». Tout autour de cette élève, il n’y aura que des élèves gentils, calmes et patients. Cette barrière de calme évitera ou limitera la propagation des perturbations. Par contre, elle ne nous dispense pas d’être attentifs : hors de question que ces élèves deviennent des victimes silencieuses !

Les déplacements

Là encore, j’opte pour le contrôle et l’anticipation. Je place la poubelle près de la sortie : les élèves jettent leurs papiers en sortant. Ainsi, j’évite les risques de promenade ou de fuite. Si jamais il y a un accident, comme un taille-crayon qui s’ouvre, c’est la poubelle qui viendra à l’élève. Lorsque j’ai un élève perturbateur, j’adapte ma façon de fonctionner à l’échelle de la classe. Ainsi, la règle étant la même pour tous, elle n’incite pas à la stigmatisation et n’est pas signe d’injustice.

Les élèves ne se déplacent pas sans mon accord. D’habitude, je préfère favoriser l’autonomie et autorise habituellement les élèves à se lever pour un certain nombre de choses qui sont explicitées et connues par tous. Cela dit, mon but premier est de permettre à la classe de se dérouler dans un climat serein pour que tous puissent apprendre. Certains élèves en opposition auront tendance à déranger lors de leurs déplacements : une trousse jetée par terre, une petite tape sur la tête, un détour inutile, etc.

Il y a aussi des déplacements qu’on ne peut pas éviter, par exemple quand on travaille en groupe. Dans ce cas, il faut anticiper. Les déplacements se font par petits groupes et je vais avoir tendance à me placer sur la trajectoire de l’élève ou à proximité de sa destination. A chaque déplacement, je vais rappeler les règles et attendre le calme absolu avant de me risquer à autoriser le déplacement des élèves.

Bref, les déplacements devraient être limités, préparés et surveillés.

La maitrise spatiale de sa classe

Petit point qui complète les deux précédents : je suis le « maitre du jeu ». Je suis la maitresse et à ce titre, je décide des placements. Je contrôle donc le plan de classe et ses changements. Je contrôle aussi le « rang type », une variante du plan de classe pour le rang. Je veille à son respect strict et méticuleux. Je ne laisse donc, à ce titre, aucun élève discuter mes choix, ni aucun parent d’ailleurs (mais je peux entendre leurs inquiétudes, éventuellement). Cela peut sembler un peu autoritaire mais n’oublions pas que c’est le genre de faille dans lesquelles s’engouffrent ces élèves en opposition. Comme j’ai déjà du l’écrire : j’évite de laisser trop de portes ouvertes aux débordements.

Lorsque des changements doivent être effectués, j’essaye d’anticiper au maximum. En général, je sors les affaires du casier et les pose sur le bureau de l’élève qui changera de place voire j’effectue les changements moi-même, avant l’arrivée des élèves. Dès que l’élève perturbateur entre en classe, je l’oriente vers sa place sans lui laisser le temps de profiter de cette occasion pour semer la pagaille.

Enfin, parfois, changer de place l’élève qui se trouve à côté de notre élève perturbateur ou changer de place ce dernier peut permettre d’éviter une escalade de tensions. C’est une rupture dans le rythme et un changement de cadre qui peut être bénéfique. Attention, cependant : cela peut aussi être l’occasion, pour l’élève, de s’opposer à ce changement ! Il faut alors manier l’art et la manière.

Le règlement de la classe

Certains font construire leur règlement de classe par les élèves, d’autres l’imposent. Quoiqu’il en soit, une fois défini, le règlement doit être respecté. De mon côté, je le « reconstitue » avec mes élèves mais j’oriente tout de même pour arriver à « mes » règles. Néanmoins, il faut garder en tête que construire ou reconstituer le règlement peut, là encore, être une occasion pour notre élève de marquer son opposition ou de perturber le déroulement de la séance.

Il y a plusieurs années, avec des CM, j’avais décidé de refaire une séance d’éducation civique pour chercher, avec les élèves, des solutions aux problèmes de comportement récurrents de la classe. Ni une, ni deux, un élève lève la main pour proposer l’installation d’une télévision dans la classe qui leur permettrait de s’occuper quand ils ont fini un travail. Grand sourire aux lèvres, cet élève aux airs d’angelot venait de tenter de semer la zizanie ! Et ce n’est qu’une petite anecdote parmi tant d’autres.

Tout aussi essentiel : les élèves doivent pouvoir acquérir que, quelque soit la règle, la parole de l’adulte, et a fortiori de l’enseignant, fait « loi ». C’est à dire que dans n’importe quelle situation, le professeur n’a pas nécessairement besoin d’en référer au règlement pour décider d’un devoir ou d’une sanction. Bien sûr, moins le professeur aura besoin de recourir à cette règle, qui surpasse les autres, moins il y aura d’opportunités pour notre élève perturbateur.

Enfin, plus important encore : les règles doivent être hiérarchisées. Au-dessus de tout règlement de classe, il y a le règlement de l’école. Aucune règle de classe ne peut contredire un règlement d’école. Bien sûr, des exceptions (pertinentes) seront possibles mais à condition qu’elles ne dépassent pas le seuil de la classe. Je préfère toutefois les éviter. Suivre un cadre n’est pas évident pour l’élève en opposition. Si celui-ci change trop, la tâche n’en sera que plus ardue. Enfin, au-dessus de chaque règlement de classe et d’école, il y a la loi. Sur ce point, il faut être intransigeant et ne jamais céder de terrain : violence physique, morale, discrimination, menaces, détérioration du matériel d’autrui, etc.

Cette hiérarchie dans les règles est aussi une hiérarchie dans les fautes. En effet, même s’il a fait cela pour déranger la classe, jeter un bout de gomme ne mérite pas qu’on se mette à hurler comme s’il avait frappé un autre élève. Garder cela en tête aura deux effets positifs. Le premier : nous gardons la tête froide et évitons de rentrer dans le jeu d’opposition où il est si facile de tomber. Le second : l’élève apprendra, petit à petit, qu’il n’est pas si aisé que cela de nous faire perdre pied et pourrait abandonner un certain nombre d’idées sans effets. Méfions-nous, toutefois, de ce qu’il pourrait inventer de nouveau !

Du point de vue des apprentissages

Le calme et le silence

Certains sont plutôt partisans du « On peut travailler dans le bruit. » ou encore « L’agitation est le signe qu’ils apprennent. ». D’autres vous diront qu’ils ne voient pas l’intérêt de hurler de bon matin pour obtenir le calme alors qu’aucun apprentissage n’est débuté. Et ces derniers auront partiellement raison : ce n’est pas en hurlant qu’on obtiendra les meilleurs résultats. Par contre, le calme quand on entre en classe, là, je ne suis pas d’accord.

Disons plutôt que le calme devrait, selon moi, précéder les apprentissages. Sans cela, la communication risque d’être bien difficile. L’attention ne sera pas non plus au rendez-vous. En somme, les élèves risquent d’éprouver des difficultés à apprendre. Que la situation d’apprentissage proposée ensuite nécessite ou autorise un peu d’agitation n’est pas un problème mais je préfère toujours commencer dans le calme.

Par contre, il ne faut pas oublier que cette agitation risque de stimuler notre élève perturbateur qui risque de vivre cette agitation avec bien plus d’intensité que d’autre. Il est même possible que cette ambiance lui offre une formidable couverture et de belles opportunités pour semer la zizanie. En bref, plus la classe sera calme, plus l’élève pourra s’imprégner de cette ambiance de travail et moins il sera tenté de rompre ce climat. Bien sûr, il essayera sans doute ! Mais cela fonctionnera moins bien.

La préparation du déroulement et du rythme des apprentissages

L’anticipation sera maitre-mot lorsqu’on est face à un ou plusieurs élèves perturbateurs. Vous l’aurez remarqué : le temps d’attention d’un élève est plutôt court, même si cela s’arrange avec l’âge. A vrai dire, en CE2, j’évite les activités de plus de 20 minutes. Cela ne veut pas dire que mes séances sont très courtes mais que je vais essayer d’obtenir un rythme suffisamment soutenu pour que, toutes les vingt minutes maximum, mes élèves changent d’activité et de dispositif.

Je commence ma matinée avec une vingtaine de minutes de production d’écrit puis une dizaine de correction collective. Enfin, ils ont encore cinq minutes pour se relire. Ensuite, nous sortons l’ardoise pour une petite activité rapide de rappel d’une notion précédemment étudiée en étude de la langue. Nous faisons un point collectif, (re)construisons une brève trace écrite qui pourra servir d’aide-mémoire et les élèves partent pour une vingtaine de minutes d’application. Finalement, j’ai fait plus d’une heure de Français mais avec un changement de dispositif régulier.

Cette façon de procéder a plusieurs avantages :

  • Il faut souvent du temps à l’élève pour trouver une idée lorsqu’il essaye de perturber volontairement le cours.
  • S’il ne le fait pas volontairement, mais plutôt pour exprimer une frustration face à un exercice qu’il ne réussit par à réaliser : avec des temps courts, les moments où l’élève se sentira perdu seront diminués et les risques d’une escalade de frustration sont réduits.
  • On augmente nos chances d’intéresser l’élève (à condition de ne pas le perdre en cours de route).

L’anticipation matérielle

Autre point important : éviter les moments de flottement. Si vous devez passer deux minutes à installer ou sortir du matériel, la classe va s’agiter progressivement. Un élève perturbateur aura du mal à résister à cette tentation.

De même, certaines activités sont plus propices à l’agitation : découper des étiquettes, coller plusieurs documents, la distribution des cahiers, etc. Lorsque je sens ma classe dans une période de fatigue, et c’est d’autant plus vrai si j’ai un élève difficile à canaliser, je prépare un maximum de choses en amont.

Chaque matin, les mots à coller seront posés sur la table avec les cahiers du jour que nous utiliserons durant la matinée. Ainsi, j’éviterai les voyages vers la poubelle liés à la découpe des mots ou le temps de flottement que peu provoquer une distribution des cahiers. Alors certes, je pique un peu le travail des élèves distributeur mais ça me garantit un peu plus de sérénité ! De plus, la consigne du jogging d’écriture est déjà au tableau donc je n’aurai pas besoin de tourner le dos : ce sera une opportunité de moins pour mes élèves.

Quand la tension monte

Sentir la crise qui arrive

Les signes non-verbaux

Parfois malgré lui, l’élève va envoyer quelques signaux de son agitation croissante. Il peut être en train de bouger, de manière répétitive ou désordonnée, mais aussi sembler presque immobile. Ce ne sont parfois que les mains qui triturent un objet ou encore le regard qui parcourt nerveusement la pièce. Malheureusement, il est difficile de faire une liste exhaustive des signaux qui peuvent annoncer une crise à venir.

Le mieux que je puisse vous conseiller, c’est de prendre de la distance dès le début de l’année pour observer : lancez votre classe sur une activité autonome et observez votre élève. Comment réagit-il ? Plus vous arriverez à expliciter les signes non-verbaux qui vous aiguillent, plus vous arriverez à anticiper les situations de crise qui pourraient survenir.

Les signes verbaux

Quelques élèves recourent aussi à des signaux verbaux. On peut entendre des ricanements étouffés, par exemple, qui ne seront pas forcément les siens, mais qui nous aideront à pressentir une potentielle bêtise en cours ou en approche. Il est alors d’autant plus important d’avoir le calme en classe ! De même, on peut entendre des éclats de voix, quelqu’un qui rouspète. Bref, le moindre signal sonore inhabituel doit mettre nos sens en alerte et nous pousser à vérifier que la situation reste sous contrôle.

Parfois, l’élève vous parlera sèchement sans que vous ne sachiez pourquoi ou fuira le dialogue. Ce peut être, là aussi, des signaux à ne pas négliger.

Mieux, plus vous connaîtrez votre élève, du point de vue des signes non-verbaux et verbaux, plus vous serez à même de commencer un travail de conscientisation avec l’élève. Formulez ce que vous voyez, à quoi vous comprenez qu’il ne va pas bien, qu’il est potentiellement agacé. Mettez des mots, rester dans la modalité de l’hypothèse bien sûr, et permettez à l’élève de mieux se comprendre lui-même. Evidemment, ce travail ne peut se commencer tout de suite : il faut un long moment d’observation mais aussi réussir à apaiser l’élève un minimum. On ne saurait avoir ce genre de dialogue en plein milieu d’une crise.

Les évènements déclencheurs

Certains évènements peuvent provoquer des crises de façon régulière. Il est bon d’apprendre à les connaitre pour anticiper la survenue d’un nouveau coup d’éclat.

J’ai rencontré un élève qui ne supportait pas qu’on s’attaque à plus faible. De ce fait, dès qu’un élève jugé « faible » était dérangé, il prenait son parti violemment et cela pouvait exploser en bagarre si ça se déroulait dans la cour. Un autre ne pouvait pas s’empêcher de vouloir éviter les disputes et essayait toujours de jouer le médiateur… sauf que ça se finissait toujours mal pour lui et il était alors souvent puni. Pourtant, ça ne partait pas d’une mauvaise intention ! J’ai aussi eu un élève qui ne supportait pas les problèmes en mathématiques et qui se mettait à mettre le bazar dès qu’il était confronté à l’une d’entre eux, même si celui-ci était à sa portée.

Les exemples peuvent être nombreux et sont très variés. Tout est possible selon le vécu de l’élève, ses capacités, son sens moral, etc. Il s’agit là non-pas d’identifier des signes mais d’apprendre à connaitre les déclencheurs. Si dans un premier temps, on peut se sentir limité, on va rapidement pouvoir commencer à remonter la piste du « Pourquoi ? ». Sans ce « Pourquoi ? », difficile d’espérer une amélioration sur le long terme. Pour le comprendre, j’invite toujours à discuter avec les collègues mais aussi les partenaires (parents, éducateurs, etc.). Chacun a ses hypothèses mais toutes seront susceptibles d’aider à comprendre l’élève.

La connaissance du trouble

Parfois, le comportement provocateur de l’élève est lié à un trouble. C’est même souvent le cas. Il peut s’agir d’un trouble de l’attention, d’hyperactivité, de précocité, de multiples dys-, d’un trouble d’ordre psychologique ou affectif. Il ne faut pas trop vite recourir au jugement facile : « manque d’éducation ». Si l’enfant est difficile à canaliser pour nous, imaginez pour sa famille qui a, en outre, une dimension affective bien plus prégnante à gérer que nous !

Les différents spécialistes peuvent nous aider. Le RASED, notamment, peut être consulté très rapidement. Il y a aussi souvent des orthophonistes, des psychologues, des ergothérapeutes ou encore des psychomotriciens et bien d’autres qui peuvent déjà être en train d’aider l’enfant. Ainsi, dès le début de l’année, après avoir réalisé une première observation, je rencontre les parents pour faire le point et demander les suivis mis en place. J’en profite pour demander l’autorisation d’échanger avec les spécialistes en question.

Une analyse objective

Enfin, peut-être était-il nécessaire de le rappeler mais notre compréhension de l’élève et de son trouble ne pourra progresser qu’à partir d’une analyse objective. Pour évaluer la gravité du trouble et des perturbations engendrées, le mieux est peut-être de les consigner afin d’estimer une fréquence moyenne ? Ce sera un point d’appui utile lors de rencontres avec la famille ou au moment d’éventuelles équipes éducatives (ou équipes de suivi de scolarité).

De même, la distance est importante : si on prenait chaque action de l’élève comme une attaque personnelle ou l’expression d’un désir réel de nuire, on se tromperait la plupart du temps. Lors de réunions, il vaut mieux s’en tenir aux faits, dans un premier temps. Celui des hypothèses viendra ensuite mais évitera de se limiter à ce qui semble être, de prime abord, car rien n’est jamais aussi simple.

Diminuer la tension

Une fois que nous sommes capables de reconnaitre les signes d’un agitation croissante, voire une fois que nous avons commencé à comprendre l’élève dans ses agissements et donc anticipé qu’une situation à venir serait potentiellement problématique, nous pouvons utiliser tous les outils précédemment cités :

  • notre posture
  • le regard
  • la proximité et le contact
  • la parole si nécessaire
  • l’humour, parfois et avec certains élèves
  • notre maitrise spatiale de la classe
  • les règles de la classe si cela semble opportun
  • les changements de rythme et d’activités

Comme vous pouvez le voir, vous êtes déjà bien équipés pour faire face ! Reste à choisir le bon outil mais là, c’est dépendant de chaque élève et de chaque situation. Il faudra parfois choisir d’esquiver une situation, lorsqu’on est bien avant la survenue d’une crise, ou de faire face (et non front) à la crise avec calme, sérénité et confiance en soi. On évitera toujours l’affrontement et de fermer les portes de sorties.

Gérer une crise quand elle a lieu

Au fil de l’année, vous devriez réussir à diminuer les situations de crise. Cependant, toutes ne sont pas liées à la classe. Parfois, un élève a vécu des choses à la maison, qu’il porte avec lui lorsqu’il est en classe, et qui lui mettent les nerfs à vif ! Le plein contrôle ne sera sans doute pas atteint. Nous n’avons d’impact que sur la classe.

De ce fait, il y aura surement toujours des crises et il faudra apprendre à y faire face. Mon premier conseil serait de ne jamais hurler. Je crois que dans le métier, quand on se met à hurler, on a « perdu » (le contrôle de la situation). Avec les élèves en opposition, même lorsque le cri est parfaitement contrôlé et volontaire, on obtient rarement, si ce n’est jamais, des résultats probants. La fermeté ne passe pas nécessairement par le volume sonore.

Il faudra alors puiser dans toutes ces compétences qu’on a entrainées : visage calme et serein, voix posée et maitrisée, sans agressivité, posture ferme, proximité adéquate (ni trop proche, ni trop éloignée), contact physique ou non, etc. La crise ne doit pas affecter notre jugement et notre réaction : ce n’est pas nous qui sommes en crise. On évitera les situations « tout ou rien » pour laisser la possibilité à l’élève de s’en sortir sans perdre la face (mais sans que nous ne perdions notre autorité non plus).

Il faudra même, parfois, accepter que l’élève sorte. S’il a une AVS, celle-ci pourra le suivre à distance en veillant à ce qu’il ne quitte pas l’école. Sinon, il faudra pouvoir anticiper cette situation en accord avec le directeur voire l’inspecteur de l’éducation nationale et ses conseillers pédagogiques afin d’opter pour la situation la moins dangereuse possible.

Quoiqu’il en soit, ne laissez jamais le doute prendre le dessus : vous êtes un professionnel, vous avez tout ce qu’il faut pour réussir et vous n’allez cesser de progresser dans la maitrise de la situation !

Un cadre serein dans sa classe, ça se construit

Si vous avez apprécié la lecture de cette article, y avez trouvé des pistes ou vous y êtes reconnus, vous apprécierez probablement le livre « Un cadre serein dans sa classe, ça se construit ». J’y ai repris l’ensemble de mes idées (qui ont pu évoluer depuis la rédaction de cet article) mais surtout, j’ai approfondi ma réflexion et j’ai tenté d’aller plus loin, de proposer des situations et des outils concrets,

36 réflexions sur “EBEP – Les comportements oppositionnels et provocateurs”

    1. Avec plaisir. C’est effectivement le but de ces articles : préciser, mettre des mots, pour que cet « instinct » puisse être partagé et continuer à se développer, à s’affiner.

    1. Entre 8 et 10 heures par nuit ! Et je me tiens, autant que possible, aux 8h quand je travaille, sinon mon cerveau grille 😮 (une petite marmotte en somme). Mais merci beaucoup pour ton retour et ces compliments si gentils ! (Le secret pour « pondre des pavés » ? J’écris mes « longs articles » sur plusieurs jours/semaines :P)

  1. servane rollet

    Très bel et très juste article! Cadre et bienveillance sont les maîtres mots d’une classe sereine!
    Servane, Maître G.

  2. Merci beaucoup ! Rares sont les enseignants qui explicitent aussi précisément les champs de la gestion de classe qui est pourtant très complexe !

    1. Souvent, en début de carrière, et c’était en tout cas mon cas, on finit par croire qu’il s’agit de chercher « un truc », un « système », des « astuces ». Ces choses-là aident, mais la réussite d’une gestion de classe repose tellement sur autre chose de plus profond ! J’espère vraiment que mes articles arriveront à aider tous les enseignants, qui débutent ou non, qui découvrent cette difficulté ou non, afin que tout se passe au mieux pour eux et leurs élèves.

    1. J’ai l’impression qu’en début de carrière, on en rencontre bien plus qu’en fin de carrière. Sans doute, d’abord, parce qu’on récupère les postes et les classes dont personne ne veut, par conséquence du système d’attribution des postes. Mais, je crois aussi que notre posture aggrave souvent la situation. De fait, on n’a généralement pas été formé à ces élèves provocateurs et beaucoup d’élèves vont nous tester dès le début de l’année. Si on nous a appris la longue liste des choses à ne pas faire, on ne sait pas forcément comment s’y prendre, et les hésitations (parfois à peine perceptibles) ou la tentation de se placer comme un mur de fermeté face à ces élèves ne nous aident pas. Si on peut rencontrer ces élèves à n’importe quel moment de notre carrière, on les gère de mieux en mieux avec l’expérience.

  3. Merci!! Question tu es à combien d’années de métier? (je suis t1) et ce partage est enrichissant et rassurant … tout est possible avec la bonne posture et le temps de gagner aussi la confiance de notre public quel qu’il soit
    Merci!!

    1. Ce qui importe, ce ne sont pas tant les années de métier que le nombre de fois auxquelles on a fait face à ce type de situation. J’ai souvent eu des élèves provocateurs, ce qui m’a obligée à me former sur le sujet. A contrario, je n’ai jamais eu d’élève autiste, par exemple, et serait bien en peine de dire comment réagir à l’heure actuelle. Si un jour ça devait arriver, je me formerais autant que possible, je testerais sur le terrain et je m’efforcerais de partager l’ensemble de manière synthétique pour essayer d’aider les autres.

      En tout cas, si tu as ce genre d’élèves, bon courage ! Il faut beaucoup de force, de détermination mais aussi, quelque part, de douceur (parfois d’humour), pour réussir à composer avec ce type d’élèves.

  4. Déjà merci, je me sens moins seule. Tu es très agréable à lire et le fameux calme tant espéré transparaît. J ai perdu énormément d’énergie à tenter de canaliser un élève en opposition lançant des objets à travers la classe, y compris les tables et les chaises et quand les choses ont commencé à s’améliorer, une autre élève diagnostiquée TDA est entrée en opposition aussi. La rased pense qu elle veut elle aussi toute l attention que j’ai donné au premier. Au secours!! J avoue humblement que je stresse en attendant la rentrée.

    1. Je connais très bien la situation que tu vis et elle n’est évidemment pas facile. Malheureusement, je crois qu’avec ce type d’élèves, croire qu’un jour on aura le calme parfait et tranquille auquel on est habitué généralement est assez utopique. Je ne dis pas que ça n’arrivera jamais, que c’est impossible car on doit continuer de viser cet objectif mais il vaut mieux éviter de se bercer d’illusions. L’année sera difficile, jusqu’en juillet, et il faudra tenir bon. Je pense qu’il vaut mieux se renforcer, se protéger, pour pouvoir faire preuve de la solidité à toute épreuve dont ont grand besoin ces élèves. Je parle bien de solidité et non pas de sévérité ou d’être dur, bien sûr ! Mais tu as lu l’article, donc je pense qu’on se comprend 🙂 .

      Un autre conseil, peut-être, que je peine moi-même à mettre en oeuvre parfois : il faudrait trouver un mode de fonctionnement qui te permet de t’occuper des autres élèves. Eh oui, il y a en surement 25 autres (environ :P) qui ont tout autant besoin de ton attention et qui, en plus, te le rendraient bien car ils sont souvent agréables et motivés. Ce sera donnant-donnant !

      Il faudrait donc pouvoir te ménager des moments où tu n’es pas avec ces deux mais avec ta classe. C’est un objectif qui gagne à être explicité, sans discours accusateur. Parfois, tu peux aller voir tes deux élèves, l’un après l’autre, puis vérifier qu’il est bien lancer dans la tâche, lui expliquer (s’il est prêt à l’entendre bien sûr) que tu ne peux pas rester à côté d’eux toute l’heure mais qu’il y a aussi d’autres élèves qui ont besoin de toi. C’est aussi important que toute la classe puisse entendre que tu es là pour chacun et que tu n’oublies personne, même si ce n’est pas toujours facile. Un petit exemple où j’ai du temps avec mes élèves : l’accueil du matin. Ils peuvent venir me montrer leur travail personnel (devoirs ou travail autonome de leur choix) à mon bureau et nous discutons de ce qu’ils ont fait, je leur réexplique une notion, etc.

      En plus, en t’occupant plus de la classe et moins d’eux (équilibre difficile à trouver), tu pourrais bien réussir à les inciter, mine de rien, à rentrer dans le mouvement car ils pourraient aspirer à ce type de relation qu’ils te voient avoir avec d’autres. Il faut juste arriver à leur faire réaliser que c’est à leur portée, bien sûr.

      Je publierai bientôt un article sur les TDA/H, troubles du comportement (type concentration / agitation) et un petit système de « contrat » positif… Seulement, je suis encore en train de le préparer ! Ça pourra peut-être t’aider, à ce moment-là !

  5. Aurélie San

    Article intéressant. J’imagine que vous avez des références théoriques? Pourriez vous les citer?
    Ça m’intéresserait de les lire également.
    Merci!

    1. Pour être tout à fait honnête, j’avais surtout mon expérience au moment d’écrire cet article. Cela dit, depuis, j’ai lu quelques petites choses qui mériteraient sans doute de revoir cet article. Je reviendrai par là fin de semaine pour essayer de retrouver les titres les plus directement en lien avec cette thématique. N’hésite pas à me relancer si jamais je ne suis pas revenue ici d’ici dimanche soir.

  6. Merci pour cet article très complet. La gestion de classe, et de ces élèves en particulier est sans aucun doute le préalable à tout apprentissage… et aucune formation sur ce sujet en Espe. J’enseigne depuis 3 ans et j’alterne entre ma volonté d’une classe sereine et l’énervement provoqué par ces élèves (toujours 1 ou 2 chaque année) qui me poussent dans mes retranchements. À chaque fois que je sors de mes gonds, c’est moi qui me met en opposition (je deviens un mur alors que ce n’est pas du tout dans mon caractère) et j’ai besoin de lire ce genre d’article pour un petit « reset ».
    Merci pour cette lecture complète, simple, rapide et concrète !
    Stéphanie

    1. Je suis ravie que cet article puisse t’aider. Si la question t’intéresse, je te conseille de t’abonner par mail au blog. D’ici quelques mois, il devrait y avoir du nouveau sur le sujet !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Centre de préférences de confidentialité

Obligatoire

Publicités

Analyse statistiques

Autres